« La sève mélodieuse et le swing gracile » par Jazz Magazine/Jazz man

Ce sont les huit premières années d’enregistrement d’Ahmad Jamal, celles où se dessine l’esthétique de sa révolution de velours, qui sont ici compilées par le label Frémeaux avec les notes de pochettes éclairantes d’Alain Gerber et Alain Tercinet. En 1952, Jamal se nomme encore Frédérick Jones et confesse son admiration pour Errol Garner et Nat King Cole, dont la sève mélodieuse et le swing gracile se perpétuent dans son jeu. Dès son premier trio, avec le guitariste Ray Crawford et le bassiste Eddie Calhoun, les prémices de sa « ligne claire » sont audibles : prépondérance des silences, interventions prenant toujours soins d’instiller le suspense en laissant les choses en suspens. Ces partis pris atteignent leur apogée lorsque Jamal assemble son célèbre trio avec le bassiste Israël Crosby et le batteur Vernell Fournier : l’interdépendance des trois instrumentistes, la façon dont chacun complète les idées de l’autre, se déploient à un niveau jamais atteint, notamment lors des fameux enregistrements au Pershing de Chicago, succès massif en leur temps et pourtant décriés par la critique d’alors, qui y entendait un bon jazz de cocktail… Pas vraiment l’avis de Miles Davis, qui s’inspirait depuis le milieu de la décennie des conceptions de Jamal, reprenant même son Ahmad’s Blues, ici présent dans deux versions. D’autres sessions live et studio complètent ces deux CD qui courent jusqu’aux termes de ce trio, association de bienfaiteurs somme toutes assez brève – quatre ans – eu égard à son impact, notamment sur des gens comme Bill Evans ou Keith Jarret, pour n’en citer que deux. Bertrand BOUARD –  JAZZ MAGAZINE/JAZZMAN