« Le coeur de Django mis à nu » par Jazz Man

On a beaucoup dit, particulièrement pour cette période (de la fin des enregistrements italiens avec André Ekyan en 1950 jusqu’aux sessions du club Saint-Germain  de 1951-1952), que Django n’y croyait plus (n’étaient-ce pas les producteurs qui ne croyaient plus en lui ?), qu’il n’avait pas assimilé la dynamique de la guitare électrique  ou que son identité « manouche » s’était dissoute dans le be-bop (le guitariste aurait glissé à Pierre Fouad : « Laisse, c’est des cons ! »). Hyper conscient de sa valeur , Django n’eut de cesse d’explorer un nouvel instrument, d’adapter un lexique à son imaginaire (et non l’inverse !) sans rien céder sur l’originalité manifeste de son langage. Ce double disque montre à quel degré de maîtrise il était parvenu : on ré(écoute) pantois la modernité harmonique de son chorus sur l’impromptu (version radio 1951), l’aplomb de son introduction sur Dream of You (Benson avant la lettre !), l’ébouriffante inventivité des deux versions de Lover. Mais il fait aussi éclater l’expressivité quasiment infinie que Django insuffla à un instrument que, jusqu’à Hendrix, on ne cessa de considérer comme limité du point de vue sonore. Là encore, il suffit d’écouter : harmoniques cristallines (Nuages, 1951), roulés stridents (Flèche d’or, Lover), élégance repensée du vibrato, art totalement orchestral de l’accompagnement servi par une puissance phénoménale. L’édition Frémeaux regroupe un matériau très épars en y adjoignant plusieurs interviews de Django et surtout deux interprétations en solo de Belleville et de Nuages de sept minutes initialement destinées au cinéma. Comme le dit Nevers, « c’est le coeur de Django mis à nu ». JAZZ MAN