« Le pouvoir d’émotion » par Classica Répertoire

Ce coffret de trois CD s’ouvre avec un chef-d’œuvre impérissable : Weather Bird, éblouissant duo entre Louis, frôlant la trentaine, au sommet de sa puissance et de son invention, et Earl Hines, jeune pianiste alors âgé de 26 ans. Quatre-vingt ans plus tard, l’incroyable liberté de ces deux géants, leur formidable audace et leur fraîcheur restent entières, scintillantes et pures. Ce seul morceau témoigne qu’il n’y a jamais de jazz génial que « free », et ces deux-là le sont : géniaux et libres. Suivent des joyaux tels Saint James Infirmary et, bien sûr, Tight Like This, autre chef-d’œuvre dont l’écoute répétée ne parvient pas à épuiser le pouvoir d’émotion. A partir de la deuxième moitié de 1929, la crise économique, un manager douteux, une maison de disque sans goût amènent peu à peu Louis à s’entourer de musiciens moins brillants, voire carrément médiocres. Son chant, ses interventions à la trompette restent d’une beauté renversante mais le contexte sonne vieillot, empesé. Bref, le ver s’installe dans le fruit : la « novelty » tend à remplacer la nouveauté musicale et l’invention, le suraigu final systématique s’installe pour épater les sourds. Naturellement, Armstrong pourrait jouer avec les pires musiciens de la terre, il resterait lui-même, alors sans égal, véritable ange noir inaccessible. Et ceux qui l’entourent sont loin de l’être. Mais c’est dire que l’on se doit d’écouter ces plages avec indulgence pour tout ce qui n’est pas émis par lui. CLASSICA-REPERTOIRE