« Les ombres de Wes et Django » par Jazz Magazine

L’intégralité du catalogue de Romane, une quinzaine d’albums depuis « Swing For Ninive » (en 1992), va être rééditée chez Frémeaux au cours des quatre prochaines années. Pour lancer cette vague de rééditions, le prolifique guitariste publie un CD et un DVD Live (vendus séparément), enregistrés en septembre dernier dans l’intimité du Sunset. La prise de son, spatiale, est excellente. Extraits du répertoire de Romane, les dix compositions possèdent la double nationalité manouche et américaine, comme sur la ballade Panorama, où passent successivement les ombres de Wes et Django. Si certains titres penchent d’un côté, Carabane semble par exemple provenir d’un des premiers Benson, d’autres, comme Temporary, projettent un thème Reinhardtien dans un groove soul-jazz, avec citation de Belleville en clin d’œil. La formation entérine la dualité de l’univers : deux guitares rythmiques, mais actionnant assez rarement la pompe manouche, la basse électrique d’Henri Dorina, dont les cinq cordes rondes et moelleuses apportent une assise groovy des plus effectives, et deux solistes à part résolument égales – Romane, à mille lieues des effets de manche, la guitare gracile, élégante, prenant toujours soin de rester sur le fil mélodique, et l’explosif Christophe Cravero, qui lance de bouillonnants solos d’orgue en droite ligne de ceux de Dr Lonnie Smith, voire de son homonyme Jimmy. Le Dvd, sobre, trois cameras, permet de savourer le contraste entre l’hyper expressif Cravero, sur le visage duquel s’imprime chacune de ses notes, et le placide Romane, la tête froide mais les doigts bouillants. Bertrand BOUARD – JAZZ MAGAZINE