Poète maudit par X Roads

La voix éraillée de ce barde saisit dès le premier mot par son grain cru, mais surtout par son ampleur, solennelle et quasi mystique. De son premier disque, plutôt jazz, chez Capitol (57), aux suivants plus folk rock, chez Vauguard, Bob Lenox a drainé son art, de compositions en concerts, à des collaborations très recherchées (Ike Turner, Hendrix, Mingus, Joe Cocker…), puis sur des shows TV (« Good Morning America ») sous le joug de la Warner Bros. Véritablement né dans la fournaise contestataire des 60’s, tendance Greenwich Village, ce poète maudit a plongé, comme tant d’autres dans la déliquescence de la fin des 70’s. Et une longue traversée du désert s’en suivit, d’où l’abîme ne fut jamais bien loin (drogues et alcool). Il se réfugia alors dans un silence chaotique, « sa faille abyssale de l’être humain » dit-il !… Par un hasard comme l’histoire musicale sait en rêver, Bob Lenox croisa, à Berlin, le chemin de deux producteurs en prospection pour un film qu’il devait nommer La Saison des âmes et qui décidèrent d’investir plutôt sur le si charismatique folksinger. L’album porta le nom de Seasons of Souls ! Un recueil de mélopées de vérité brute, merveilleusement lyriques, pures et complexes à la fois, taillées avec force et sagesse, qui bousculent l’écoute et s’impriment dans le cœur. Elles mettent l’âme à nu d’une Amérique vraie que Lenox sent par tous les pores de sa vie meurtrie, éternelle et presque naturelle. On n’est pas loin d’un naturalisme à la Thoreau ! On effeuille alors les routes bosselées de ce « lonesome cowboy », ses rêves comme des blessures (la perte de sa mère « Dear Mama »), et même une ode charmante avec sa fille de onze ans (« Life is fine »)… Le poète libère les ondes généreuses, bardées de racines musicales (country, folk, blues) pour reprendre les traces de Hank Williams, Bob Dylan, Cash ou même Tom Waits. Compositions à la hauteur d’un talent qu’il est tant de réveiller, tant les pièces de ce bel opus bruissent dans l’eau d’un fleuve tumultueux d’authenticité. Cet album dégage une belle atmosphère, que la voix chaude de Bob Lenox, calée sur sa guitare, pousse vers de belles effluves d’émotion, bien aidée par les guitares fines d’un Eric St Laurent, ainsi que le choix subtil des autres instruments (violoncelle, violon et percussions). A noter encore que Lenox a composé la musique de film « Je vous trouve beau » et celle du prochain film de Hallyday. La reconnaissance, vraiment ? Allez, restons sur les sensations de cet album qui fleure l’envoûtement et la magie… A ranger entre Bob Dylan et Johnny Cash. Francis RATEAU – X ROADS