Réédition d’un éternel et extraordinaire one-shot - par Music-Story

"Ici, la musique fait l’histoire : en 1934, le guitariste gitan Django Reinhardt et le violoniste Stéphane Grappelli fondent un ensemble sans batterie, mais illuminé de cordes magiques, qui complète par une sophistication, une élégance et une sensualité parfaitement européennes, l’idiome américain du jazz, en lui offrant les influences romantiques et fiévreuses de l’art manouche.
Plus de soixante années plus tard, et après s’être fait bien longtemps tirer l’oreille, défiant face à ceux qu’ils considéraient comme des perroquets, Babik Reinhardt, fils du plus grand guitariste de jazz de tous les temps, après être passé par le rock, la fusion, et la case prison, décide de ressusciter la formule. Il fait appel à Romane, faux manouche, mais vrai technicien virtuose de la guitare, et au violoniste d’origine roumaine Florin Niculescu, qui n’est pas encore considéré comme l’héritier de Grappelli. Complètent le quintette Philippe Doudou Cuillerier, saxophoniste contrarié mais immense guitariste accompagnateur, et le contrebassiste Gilles Naturel, qui grave la même année un album de référence en compagnie des frères Belmondo. Tout ce beau monde pousse la porte du studio de Didier Lockwood (qu’on peut ici entendre dans la très tendre « Mélodie pour Stéphane »), et porte son dévolu sur un répertoire mixte. Quelques standards du Commandeur sont retenus, tels « Minor Swing » ou l’inusable « Nuages ». Mais chacun s’attache également à offrir quelques partitions : la très suave « Valse Sentimentale » du violoniste, une incursion de Babik dans l’univers d’un autre considérable personnage de l’histoire du jazz (« Tribute To Mingus »), ou le parfaitement roué « New For Me » signé Romane illuminent ainsi un rendez-vous d’émotion, qui n’a rien à voir avec le passéisme ou une nostalgie rémunératrice, et tout avec la prise en compte d’un legs ancestral, dans une perspective contemporaine (Babik joue sur Gibson).
Cette réédition d’un éternel et extraordinaire one-shot (Babik Reinhardt décède trois ans après les sessions) rappelle la permanence des délices offerts par cette musique, la fulgurance des dialogues entre les trois solistes, et le charme constant de l’entreprise, de toute éternité."
Christian LARREDE - MUSIC-STORY