« Savourer la réédition remasterisée de cet album » par Jazz Mag-Jazzman

Si la formule guitare-orgue-batterie connut son heure de gloire dans la première moitié des années 60, avec des figures comme Jimmy Smith, Kenny Burrell, Wes Montgomery, Larry Young ou Grant Green, elle est quelques peu tombée en déshérence. C’est l’une des raisons pour savourer la réédition remasterisée de cet album, sur lequel l’association ponctuelle mais fort probante d’Emmanuel Bex, Gérard Maris et Aldo Romano ressuscite cette configuration, particulièrement sa version portée en Europe par Kenny Clarke, Eddy Louiss et le guitariste belge René Thomas. La direction musicale est ici assurée par Marais, un peu disparu de la circulation depuis une dizaine d’années : il signe quatre des six compositions, les deux autres revenant à Romano. L’album s’ouvre par deux morceaux où sourd une tension diffuse, l’orgue lourd et sépulcral de Bex grondant sous les lignes spatiales, distillées avec une petite pointe d’acidité, de Marais. La bride est ensuite lâchée sur Fly on The Marne Side puis sur Sang de Rose explorant avec gourmandise assise binaire et texture rock. Entre les deux, une paire de standards, dont une délicieuse version de Reincarnations of a Lovebird de Charlie Mingus. C’est bien sûr la profonde empathie entre les instrumentistes qui fournit l’envoûtement suave et étrange de l’affaire, ces changements de tempo tellement fluides qu’on les perçoit à peine, ces variations de tension tout en nuances, nouvelle affirmation que, dans bien des contextes, les conversations les plus intenses se font souvent à trois. Bertrand BOUARD – JAZZ MAG-JAZZMAN