« Sous le fameux auvent » par Jazz Classique

Une précision préliminaire : le sous-titre de ce coffret, « House bands », ne correspond pas tout à fait au contenu. Les « house bands » du savoy, comme leur nom l’indique, désignaient les orchestres maison, qui jouaient à demeure pour une longue durée. Ce qui n’est pas le cas des orchestres de Basie, Ellington ou Coleman Hawkins. Le livret de Jacques Morgantini signale d’ailleurs cette nuance (alors pourquoi avoir conservé ce sous-titre ?). Mais foin des pinaillages et offrons-nous, le temps de deux CD, une nuit au Savoy Ballroom : programme de rêve, tempos parfaits pour la danse, dieux du jazz, rythmes et mélodies au comble du swing ! Il ne reste qu’à imaginer les envolées des lindy hoppers et la foule harlémite se pressant le samedi soir sous le fameux auvent…La sélection privilégie les interprétations qui témoigne de ce « tempo Savoy », ni trop lent ni trop rapide, « un tempo souple, élastique, générateur de swing favorisant les danseurs dans leurs plus brillantes figures », dixit le livret. Jacques Morgantini reprend ce qu’on a pu lire ici et là sur le Savoy, essentiellement à retracé l’histoire musicale de ce lieu. Il évoque rapidement l’important rôle d’intégration joué par cet établissement qui accueillait les noirs comme les blancs, public, danseurs ou musiciens. En revanche, rien n’est dit sur la dimension sociale du Savoy. Harlem regorgeait d’associations de toutes sortes qui cimentaient la vie du quartier : le Savoy leur ouvrira ses portes, permettant la promotion des mouvements sociaux, culturels ou politiques. Dans le même ordre d’idées, Harlem était le théâtre des luttes raciales et morales : le Savoy leur donnera une scène où s’exprimer. Et la célèbre « Home of the happy feet » menait ainsi, d’une certaine façon (son but était surtout lucratif), un combat. Trop simple aussi de lire la fin du savoy ballroom (démoli en 1958) comme une étape parmi d’autres de la désaffection du public pour les big bands, sans la relier directement à la dégradation de Harlem qui allait devenir un ghetto, sans en faire un diplôme de l’échec de l’intégration. Petits détails qui ont leur importance et ne gâcheront en aucun cas l’écoute de Who Ya Hunchin’…
Dominique PÉRICHON – JAZZ CLASSIQUE