« Trois monstres sacrés de la période bebop … » par JAZZ HOT

Dans sa collection anthologique The Quintessence, Frémeaux nous présente ici trois monstres sacrés de la période bebop qui ne sont pas sans lien entre eux, puisqu’Art Blakey et Horace Silver furent tous les deux à l’origine des Jazz Messengers, même si Horace Silver en laissa la paternité effective au batteur sur la durée. De fait, dans cette période les formations d’Art et d’Horace sont très proches dans l’esprit (« Come on Home »), quand elles ne sont pas communes, avec ce côté de la musique qui est si marquée par une forme de blues churchy, tant il y a peu de distance de l’église à la ville (« Sister Sadie », etc .) .
Par ailleurs, on notera qu’Art Blakey fut le premier et le dernier batteur de l’œuvre enregistrée de Thelonious Monk sous son nom, et qu’il fut son batteur référence pour nombre d’enregistrements historiques, « son batteur préféré » aurait-il dit, et on le comprend.
Art Blakey est effectivement un maître dans une époque de batteurs de haut niveau, et ces trois anthologies nous donnent à écouter rien moins que Max Roach, Louis Hayes, Art Taylor, Kenny Clarke, Shadow Wilson ; donc impossible de faire le difficile.
Avec Thelonious Monk et Horance Silver, nous avons ici deux des plus grands compositeurs du jazz de tous les temps, et donc de cette période, doublés de deux pianistes aux styles très personnels, inimitables et reconnaissables.
Thelonious Monk n’est plus à présenter, son art a fait l’objet de nombreux commentaires ; il suffira de rappeler que le swing garde chez lui un caractère classique par sa référence au piano stride et plus généralement à la tradition des pianistes virtuoses qui le précèdent, que ce soit pour cette pompe si extraordinairement personnelle de main gauche, que par ses remontées de clavier dans des gammes originales, un pendant aux descentes non moins virtuoses du grand Art Tatum (le père de tous les pianistes de cette génération), des signatures stylistiques à l’ancienne comme en possédaient les Earl Hines, Erroll Garner…
Horace Silver est lui une sorte de génial accompagnateur harmoniste exceptionnel et de soliste sobre, essentiel, créateur de climats sonores comme il en est peu (par des ostinatos et par ses harmonies), une sorte de frère aussi de Bud Powell, et quand on sait que de Bud à Monk, il existe également un lien indéfectible, on conviendra que les différences de style évidentes ne sont pas pour autant des frontières hermétiques aux influences réciproques.
Tout ça est du beau et grand piano, du piano de compositeurs aussi, c'est-à-dire que la beauté est une réalité de chaque note.
Art Blakey n’est pas non plus à présenter. Grand leader, tenant d’une esthétique du jazz, musicien unanimement apprécié par les musiciens, il est aussi un batteur d’une musicalité rare, le drive fait homme, et il a su trouver des compositeurs d’exception pour ses messengers. Avec Art Blakey, on ne se pose pas la question du jazz, il est le jazz, comme tous les grands musiciens de jazz.
Les formations sur ces enregistrements présentent donc des similitudes esthétiques, celle d’une époque et d’une grande famille musicale qui a coutume de se rencontrer, de jouer ensemble, de s’écouter, avec une esthétique jazz évidente.
Par JAZZ HOT