Tusques trouve chez Cortazar le terrain idéal au jeu des correspondances par Jazz Mag-Jazzman

Cet enregistrement de 1994, auquel le label Frémeaux vient offrir une seconde vie, fut à l’origine du label AxolOtl fondé par Jean-Louis Wiart, et se présente comme un hommage à l’écrivain argentin Julio Cortazar. Jacques Chesnel rappelle dans le livret combien la musique jalonne la trajectoire et marque en profondeur l’univers de Cortazar. Le jazz (même si l’écrivain se déclarait « vieux jeu » en la matière) s’offre à lui comme un modèle de vitalité et d’invention dont François Tusques, en lecteur éclairé, se fait le reflet et l’expression vivante. On retrouve, en parcourant ces dix-sept miniatures, un entrecroisement des thèmes chers à l’écrivain ou empruntés à son œuvre, et ceux qui ont façonné la poétique du pianiste : les figures d’Earl Hines, Bud Powell, Monk, la présence tenace de Bird (Souvenir de l’oiseau, enregistré dès 1965 dans l’historique « Free Jazz », mais aussi une audacieuse version de Koko). Anti-virtuose, joueur et défricheur infatigable, Tusques trouve chez Cortazar le terrain idéal au jeu des correspondances qu’il affectionne, et se fond avec délices dans les prétextes disséminés par l’écrivain (Marelle, Octaèdre). Le tango est là, rehaussé par la voix d’Isabel Juanpera et le bandonéon de César Stroscio (Sur), mais aussi par le souffle – trop rare, et d’autant plus poignant – de Bernard Vitet, inséparable compagnon de route du pianiste (la dame au gardénia). Autant de raisons de saluer cette réédition.

Par Vincent COTRO – JAZZMAG-JAZZMAN