Un album qui donne le frisson. par BCR

"Le label Frémeaux & Associés a réussi l’exploit de réunir pour un album, Patrick Verbeke, le ‘monsieur blues’ hexagonal, l’homme de radio, le disert et l’érudit, une authentique légende du blues français qu’il serait indécent de présenter plus amplement, avec sa progéniture en la personne de Steve Verbeke, le ’Montreuil Boogaloo’, l’harmoniciste qui ne cesse de s’affirmer avec trois albums à son compteur, comme l’un des meilleurs spécialistes du genre. Cette surprenante et inattendue association entre un père et son fils est une indéniable réussite intitulée ’La p’tite ceinture’. Patrick et Steve y distillent un blues poignant, puissant, d’une sincérité exacerbée, d’une émotion à son paroxysme. La rencontre artistique et familiale entre un pionnier qui a marqué l’histoire de sa foi et de sa passion pour les musiques afro-américaines et un jeune et talentueux bluesman, dont l’unique leitmotiv est de marcher sur les traces de son illustre papa, avec un respect jamais remis en cause. Quand le blues côtoie l’amour, il en résulte un album qui  donne le frisson. Un disque d’une poésie sous-jacente, une musique d’écorchés vifs qui remue au plus profond de nos viscères et qui affole nos sens. Car avec le blues, on ne peut pas tricher. Le moindre usurpateur, le moindre imposteur serait de suite démasqué et cloué au pilori de l’abîme de la médiocrité. Patrick et Steve Verbeke sont deux artisans de la petite note bleue qui travaillent sans filet. Faut pas déconner, on n’est pas chez  Alexis Gruss… Deux saltimbanques qui ont voué leur vie aux musiques populaires gorgées de groove et de feeling. Leur duo est en parfaite adéquation avec l’esprit ancestral du blues roots, celui que l’on jouait d’antan dans tous les juke-joints enfumés de Greenwood ou de Clarksdale. Oui tout là-bas, aux confins des champs de coton et des eaux boueuses du grand fleuve sacré. 13 titres de très haute volée composent ’La p’tite ceinture’. Judicieux melting-pot entre des nouveautés comme ’Tu m’as menti’ qui ouvre l‘album, ’Père & Fils’ et ‘Fils & Père’ qui sont deux instrumentaux fantastiques que n‘auraient pas reniés Sonny Terry et Brownie Mc Ghee, ’La p’tite ceinture’ au texte profond et bouleversant, ’T’efface pas comme ça’ dont la seconde partie fait penser au swamp-blues de Louisiane des Slim Harpo ou Lonesome Sundown. Des morceaux traditionnels comme ’Catfish Blues’ ou encore ’Let me go home whisky’ excellemment interprétés par Patrick et Steve, avec la conviction de deux marathoniens sur la route d’Olympie, portant la flamme à bout de bras. Ou encore d’anciens titres incontournables du répertoire de Verbeke père tels que ’La tangente’, ’Mets ta casquette blues’ , ou de Verbeke fils comme ’Dis-moi pourquoi’ cosigné avec un certain Benoît Blue Boy. Et bien d’autres surprises concoctées par Patrick et Steve Verbeke. Ca fait vraiment plaisir de retrouver un Patrick Verbeke inspiré et en pleine forme, comme un petit camouflet aux ingrats qui l’avaient peut-être oublié un peu trop vite, malgré une carrière sans faille qui force le respect. Et un Steve Verbeke qui se bonifie d’album en album et de concert en concert tel un château Pétrus. Qu’on se le dise, Patrick a ressorti sa vieille National Steel du placard et le vieux lion n’a pas dit son dernier mot. Quant à l’harmonica de Steve, il n’est jamais bien loin et toujours prêt à résonner. Cet excellent album des Sonny Terry et Brownie Mc Ghee du 21ème siècle et même pas noirs, est chaudement recommandé. A l’ère de la morosité ambiante et du spleen grandissant, rien de tel qu’un bon disque de blues interprété dans le respect des valeurs essentielles propres à cette musique qui est aussi un art de vivre au quotidien. C’est la bonne médecine, l’unique thérapie. Et ’La p’tite ceinture’ de Patrick et Steve Verbeke est à consommer très chaud, vers la vieille ligne de chemin de fer, prés des boulevards des Maréchaux autour de Paris. Là ou le blues, voire les spectres de Muddy Waters et Sonny Boy peuvent surgir à tout moment. A chacun son crossroads, à chacun son imaginaire… En tous les cas, merci aux Verbeke d’exister et leur petite lumière bleue scintille toujours de mille feux !"
par Serge SCIBOZ - BCR