« Un élément fondamental de notre culture » par La Croix

Pour la première fois une anthologie biblique en dix compacts disques se propose dans une traduction littéraire du XVIIe siècle de faire redécouvrir le texte. La Bible a d’abord été écrite pour être écoutée. A partir de ce rappel historique, Patrick Frémeaux, responsable d’une maison de disques connue notamment pour ses collections de jazz et de musiques du monde, a décidé de mettre la Bible à la portée de toutes les oreilles. Une nouveauté pour le monde francophone. Pour cela il a fait appel à cinq comédiens parmi lesquels figurent Brigitte Fossey, Michel Duchaussoy et à un exégète, Philippe Gruson. « L’idée m’est venue par hasard. J’ai 31 ans. Ma grand-mère me racontait des histoires. Ce n’est que plus tard que j’ai pris conscience qu’elles étaient pour l’essentiel issues de l’histoire sainte. Mais j’étais aussi convaincu que la Bible était un élément fondamental de notre culture. Soit qu’on y cherche des réponses, soit parce qu’on s’y oppose, soit parce qu’on y voit une des plus anciennes histoires de l’épopée humaine, une des plus belles poésies du monde ». confie cet éditeur laïc passionné d’encyclopédies. De son côté l’exégète s’est mis au travail pour sélectionner les 200 textes phares de cette anthologie auditive de la Bible. Et les comédiens contactés ont pratiquement tous accepté rapidement. Les refus ont été rares. « C’est une production qui a été facile à monter » explique encore Patrick Frémeaux. Pour concevoir le parcours réuni en un coffret de dix compact disques Philippe Gruson, bibliste, directeur de la revue Les Cahiers d’Évangiles s’est appuyé sur deux critères : donner la priorité aux livres narratifs et rendre compte de la très grande diversité des genres littéraires bibliques. « On ne saurait méconnaître les textes de lois, les poèmes d’amour, les proverbes ou les visions d’Apocalypse » explique t-il dans la présentation. Cinquante-six des 74 livres de la Bible sont représentés, mais les extraits ne couvrent toutefois que 11% de cette bibliothèque que sont Ancien et Nouveau Testament. « Je ne présente que sept psaumes. Comment ne pas être frustrés ? Mais la lecture des comédiens donne toute sa force à l’émotion » explique Philippe Gruson. Concrètement les promoteurs de la Bible audio ont choisi d’adopter pour l’enregistrement la traduction dite Sacy ou la Bible de Port Royal plutôt qu’une version contemporaine. « Parce que cette traduction du XVIIe siècle a été la plus répandue en France, à partir de 1665. Admirée par Bossuet, elle a inspiré nos auteurs, spirituels et nos grands écrivains depuis trois siècles » précise Philippe Gruson. Une optique avant tout culturelle. Toutefois pour ne pas être taxée d’archaïsme, l’exégète a remplacé certains mots dont le sens a changé. Exemple : sacrifice pour hostie ou embrasser pour baiser. Les auditeurs seront parfois surpris pas le vouvoiement utilisé par les Jansénistes d’alors. La marque de la distance entre les époques. Il s’agit aussi de surprendre en écoutant des textes souvent très connus.  « Les extraits lus sont parfois des textes discontinus, omettant des versets » précise encore Phillipe Grusson qui a adopté l’ordre des livres bibliques de la Septante qui place à la fin de l’Ancien Testament les livres prophétiques. La nouvelle anthologie biblique audio a été tirée à 6000 exemplaires. L’investissement a été d’un million de francs. « Les premiers échos sont favorables » poursuit l’initiateur Patrick Frémeaux. Un évêque vient déjà de manifester son intérêt pour une Bible lue par des voix célèbres.
Robert MIGLIORINI – LA CROIX