« Un univers poétique » par Jazz Hot

Le violoncelliste venu du classique Jean-Charles Capon, celui-là même qui, en 1982, avait enregistré un disque mémorable qui passe pour l’un des points de départ du New Musette, si l’on adopte l’acception de Richard Galliano, vient d’enregistrer, cette fois avec le guitariste Christian Escoudé et le bassiste Pierre Boussaguet, un CD, Paris ma Muse, qui pourrait faire date. En effet, à partir de musiques disons du folklore parisien (« swing Valse », ou « Jeannette » de Gus Viseur, « L’Hymne à l’amour » de la chère Edith, « Daphné » de Django, « Indifférence de Tony Murena) et de compositions personnelles, dont deux hommages, l’un à Grappelli, l’autre à Patrick Tandin (je pense), le violoncelliste nous emmène dans un univers poétique à lui, fort élégant et débordant de sensibilité. Le violoncelle, ici travaillé comme on le ferait d’un violon de jazz, notamment pour le rythme et l’invention, est à même, avec sa tessiture particulière, de suggérer une foule de sentiments humains que l’auditeur recevra de façons fort diverses, mais toujours fortes et précises. Pour l’un, « Vénus » sera l’amertume des années de pensionnat de l’enfance, pour un autre le souvenir froissé qu’on a pas su repasser. « A la bonne franquette » évoquera le soleil d’un festival de Samois ou le bonheur d’un rire éclatant. Jean-Charles Capon est aujourd’hui  un jazzman à qui l’on a rien redire, et il swingue aussi aisément que les deux complices que sont Christian Escoudé et Pierre Boussaguet, eux aussi très à l’aise dans ce CD. Dans un équilibre triangulaire qu’ils ont su trouver et tenir, les trois musiciens jouent avec un bonheur rare, se passant les relais, se répondant sans cesse, se soutenant, avec comme unique référence le sentiment à faire passer à l’auditeur et la beauté à rechercher. Aucun artifice, aucune fioriture en trop, aucune performance éblouissante pour forcer l’adhésion. Ils jouent, pour dire ce qu’ils ont sur le cœur et ça suffit. Le CD s’arrête et on se dit : « Elle n’est pas belle la vie ? Même la nostalgie est ce qu’elle était ».
Michel BEDIN – JAZZ HOT