« Une émulation constante » par Jazz Magazine

Aussi influents l’un que l’autre dans leurs spécialités instrumentales respectives, Willie Smith le Lion Et Jo Jones le Tigre possédaient des vertus félines distinctes mais faites pour interagir en souplesse, comme en témoignent ces séances new-yorkaises de 1972 organisées par Hughes et Louis Panassié, qui donnèrent lieu en leur temps à deux albums regroupés aujourd’hui avec quelques ajouts et retraits. Le pionnier du piano « stride » et l’homme pour qui la batterie devait se sentir plus encore que s’entendre, enregistraient pour la première fois en duo (pour le pianiste, ce furent ses derniers pas sur disque). Une émulation constante, nourrie par des affinités anciennes, se fait jour entre ces deux artistes du tempo que l’on peut aussi qualifier de grands couturiers du jazz, tant la précision et l’élégance le disputent chez eux à la fantaisie. Ils déploient autant de swing et de finesse dans les compositions de Smith (« Keep your Temper, You’re The Limit, Woodland Fantasy ») que dans le un « medley », un standard allègre et semé de gags (« Just One Of Those Things ») ou une version de « La Madelon » traitée en marche avant d’être jazzée. Le Lion swingue « I’m Coming Virginia » après en avoir dignement honoré la ligne mélodique. Quant au Tigre, même lancé dans un long solo contrasté (« Here Comes The Band »), il s’abstient de « proclamer sa tigritude » et parvient à garder une certaine réserve. Les titres ont été remarquablement restaurés par Laurent Verdeaux. On regrette l’absence de quatre plages (dont « Someday Sweetheart ») promises pour une réédition future.
Par Philippe BAS-RABERIN – JAZZ MAGAZINE