« Une irrésistible polyrythmie » par Jazz Magazine

Au cours des années 1940, les musiciens cubains prirent l’habitude de jammer « after hours » dans les clubs de La Havane, improvisant sans limite sur les figures obstinées du répertoire local comme le « montuno ». Stimulé par les échanges new-yorkais entre bop et mambo, le genre prit le nom de « descarga ». En 1952, en fin d’une séance cubaine Mercury, le pianiste Bebo Valdès (père de Chucho) lança un riff de piano, prétexte à 6 minutes d’improvisations débridées titrées « Con Poco Coco », première « descarga » destinée au disque. La présente compilation commence en 1956 avec « Descarga Caliente » de l’orchestre de Julio Gutiérrez (16 minutes), mais c’est le contrebassiste Cachao qui s’octroie la part du lion, multipliant les séances dévolues au genre à partir de 1957, sous son nom ou ceux de Walfredo de Los Reyes et Chico O’Farrill. Faute de solistes armés pour se renouveler sur ces tourneries harmoniques rudimentaires, les plus longues plages ne sont pas les plus passionnantes et cette succession de 55 titres, en dépit de son intérêt documentaire, n’est pas sans redondances. Tout se joue ici sur la stimulation des chœurs et des vents en section, et sur l’imagination rythmique des solistes. Ce sont les pianistes, les joueurs de « tres » (guitare à trois doubles cordes) et les flûtistes grandis dans les orchestres « charanga » qui interagissent le plus brillamment avec l’irrésistible polyrythmie des percussions et de la contrebasse.  On se quitte sur trois titres de Chico O’Farrill de 1957 chez qui l’influence orchestrale jazz est la plus directe.
Par Franck BERGEROT - JAZZ MAGAZINE