« Une réédition présentée ici avec soin » par Jukebox Magazine

Charles Trenet, Georges Brassens, Serge Gainsbourg, Jean Ferrat et d’autres ont mis en musique des poèmes. Personne ne l’a fait avec autant de persévérance et de réussite que Léo Ferré. Son travail sert magnifiquement Verlaine, Rimbaud, Baudelaire, Aragon… De mars 1952 à avril 1953, avec l’aval de la veuve de l’auteur, il compose un oratorio d’après « La chanson du mal aimé » de Guillaume Apollinaire (à qui il doit « Le Pont Mirabeau, 1953). Il propose en vain le résultat à Radio Monte-Carlo, station dont il est un collaborateur. Sa déception est vive. Heureusement, le prince Rainier de Monaco saisit la valeur de l’œuvre et en permet l’interprétation le 29 avril 1954, salle Garnier, concert diffusé par RMC le 3 mai. Léo Ferré dirige l’Orchestre national et les Chœurs de l’Opéra de Monte-Carlo. La première partie offre une composition conçue pour l’occasion, « Symphonie Interrompue », sous-titrée malicieusement « A la recherche d’un thème perdu ». Pour « La Chanson du mal aimé », les rôles sont tenus par Bernard Demigny (le mal aimé), Henry Etcheverry (le double), Nadine Santereau (la femme), Jacques Douai (l’ange), Madeleine Ferré (mise en scène). Pierre Balmain (costumes). La captation de cette représentation a été publiée par la Mémoire et la Mer en 2006. Une version en studio (Odéon 1957) est effectuée avec l’Orchestre national de la Radiodiffusion française et les chœurs Raymond Saint-Paul. Camille Maurane (le mal aimé). Michel Roux (le double), à nouveau Nadine Santereau (la femme), Jacques Petit-jean, memebre des Petits Chanteurs à la Croix de bois (l’ange), Madeleine Ferré (réalisation).  Léo Ferré tient tant à cette œuvre qu’il en enregistre une autre version en 1972, moins chantée, plus parlée (par lui-même). Devenue rarissime, l’édition Odéon est rééditée par CBS en 1972. Elle est ici présentée avec soin (livret 12p. par Jean-Baptiste Mersiol). Cet oratorio (ou cantate) confirme le goût et le talent de Léo Ferré pour écrire et diriger la musique symphonique, tout comme son admiration pour les grands poètes.
Par Jean-William THOURY – JUKEBOX MAGAZINE