« Une ressource documentaire de tout premier ordre » par Soul Bag

Les « race records » évoquent d’abord les années 1920, quand les principaux labels dédiaient des séries de leurs catalogues aux artistes afro-américains. D’autres formules apparaîtront avec la création des charts ou hit-parades dans les années 1940. Mais la naissance du rock’n’roll reste bien une « affaire de races ». Car s’il a été popularisé par Elvis Presley et consorts au milieu des années 1950, ses origines nettement antérieures remontent à la décennie précédente, voire à la fin des années 1930 avec les pianistes de boogie woogie. Un pan de l’histoire dont les acteurs sont bien afro-américains, généralement issus des mouvances blues et R&B, mais aussi jazz…Mais comme l’écrit Bruno Blum dans un livret toujours pertinent, ce rock s’appelle alors Rhythm and blues « quand il est joué par les Noirs ». Et la propagation de cette forme musicale, du fait de la couleur de peau des ses interprètes, subit l’entrave de la ségrégation, notamment à la radio puis à la télévision. Avec cette anthologie de trois CD, Frémeaux répare une injustice et revisite une période charnière un peu occulte mais passionnante, et dont l’influence sur le cours de la musique populaire sera fondamentale. Si les précurseurs du genre sont connus en tant que leaders de formations jazzy – Tiny Bradshaw, Jay McShann, Louis Jordan -, la sélection démontre rapidement qu’aux côtés de véritables « spécialistes » comme Amos Milburn, Little Richard et Fats Domino, de nombreux bluesmen ont apporté leur pierre à l’édifice : Memphis Slim, Piano Red, Lightnin’ Hopkins, Arthur Crudup, Big Mama Thornton, Howlin’Wolf et même Sonny Terry apparaissant au casting. Ajoutons d’inévitables blues shouters et des artistes moins connus mais de grande valeur, et on obtient une ressource documentaire de tout premier ordre…
Par Daniel LEON – SOUL BAG