VILAR JEAN

Vilar Jean (1912-1971)

Jean Vilar, un pape en Avignon.

Jean Vilar est né à Sète en 1912. Ses parents étaient commerçants et il aimait à dire que le magasin familial de mercerie-chausseterie, transmis de père en fils, était parmi les plus anciens de la ville. Vilar revendiquera toujours sa nature de provincial souvent mal dans sa peau à Paris. Et puis, Sète est une ville du sud où il y a la mer, la ville natale de Brassens, de Paul Valéry et de Maurice Clavel, tout cela comptait pour lui.

A l’âge de 20 ans, Jean Vilar monte à Paris pour poursuivre ses études. En fait, il s’échappe de l’atmosphère familiale, avec son violon sous le bras et une maigre valise et laisse un mot à son père. Le moment n’est pas le meilleur car la grande dépression de 1929 s’éternise dans le pays et le chômage en 1932 poursuit sa progression. Vilar suit les cours de philosophie d’Alain au lycée Henri-IV et d’Art dramatique de Charles Dullin au Théâtre de l’Atelier jusqu’en 1937. Pour vivre, il est pion au collège Sainte-Barbe d’où il se fait congédier en raison de ses absences. Qu’importe Dullin lui confiera la régie technique de l’Atelier. Les années passent, la guerre approche.
 
Démobilisé après l’opération d’un ulcère, Jean Vilar regagne Paris occupé par les Allemands. Dans la solitude et la faim, il se met à écrire. En 1941, il rejoint la troupe des Comédiens de la Roulotte, fondée par André Clavé et liée au mouvement Jeune France. Deux ans plus tard, il crée sa propre troupe, la Compagnie des Sept. Avec Meurtre dans la cathédrale de T.S. Eliot qu’il monte au Vieux Colombier en 1945, Jean Vilar s’impose au public comme à la critique à la fois comme metteur en scène à suivre mais aussi comme acteur de talent. Son succès se confirme avec Les Portes de la nuit, de Carné et Prévert (1946) dans lequel il incarne le Destin. Ce sera ensuite, en 1947, le début d’une grande aventure : celle du Festival d’Avignon considéré aujourd’hui comme l’un des festivals de théâtre parmi les plus prestigieux du monde.

1951 : Vilar est nommé directeur du Théâtre du Palais de Chaillot, auquel il rend le nom que Gémier lui avait donné en 1920 : Théâtre National Populaire. Publication du Petit manifeste de Suresnes, où il expose sa vision d’un théâtre pour tous. Représentations du Cid de Corneille, et du Prince de Hombourg de Kleist, à Avignon avec Gérard Philipe. Création de Mère Courage de Brecht.

1953 marque le début d’une cabale contre Jean Vilar initiée par des critiques conservateurs et certains hommes politiques. Nous sommes sous la 4ème République présidée par Vincent Auriol. On évoque la fermeture de Chaillot. Vilar sera même accusé d’avoir détourné des fonds, on lui reproche de monter Brecht, considéré comme communiste, et Pichette, jugé trop avant-gardiste, ainsi que Meurtre dans la cathédrale d’Eliot, œuvre étrangère. La Mort de Danton de Büchner manque d’être interdite par le ministre et subit lors de sa création les attaques de la CGT et du Parti communiste, qui estiment que Büchner prend le parti de Danton contre Robespierre et qu’il méprise les masses populaires. Même la paisible cité des papes n’échappe pas à la tourmente. En Avignon, Jean Vilar remet puis il reprend sa démission. Rédaction du texte Le théâtre, service public.

1959 : changement de décor, changement de régime. Devant la tournure des événements en Algérie, René Coty a fait appel au Général de Gaulle. André Malraux, l’homme des Maisons de la Culture, alors ministre attribue au TNP une seconde salle, le Théâtre Récamier, destinée à présenter les premières pièces d’auteurs contemporains.

A partir de 1961, le TNP accentue son engagement politique. L’actualité de ces dernières années ayant été dominée par la Guerre d’Algérie, Vilar choisit de monter plusieurs pièces dont La résistible ascension d’Arturo Ui de Bertold Brecht qui évoquent la dictature. <

En 1963, Jean Vilar abandonne la direction du TNP, confiée à Georges Wilson et se consacre pleinement au festival d’Avignon. Lors des événements de mai 1968 et à la suite de l’allocution prononcée par le général de Gaulle le 30 mai, (Je dissous aujourd’hui l’Assemblée nationale…), Jean Vilar informe André Malraux qu’il n’acceptera plus désormais aucune fonction officielle.
 

Le TNP renonçant à participer au festival, Maurice Béjart occupe seul la Cour d’honneur. Après une attitude controversée résultant de l’interdiction par le préfet du Gard de la pièce de Gérard Gélas, La paillasse aux seins nus et des remous engendrés par Julian Beck et Judith Malina qui se sont déjà manifestés au Théâtre de l’Odéon, le Living Theatre dont les mœurs choquent les avignonnais quitte la ville : Parce que le temps est venu pour nous de commencer enfin à refuser de servir ceux qui veulent que la connaissance et les pouvoirs de l’art appartiennent seulement à qui peut payer, ceux-là même qui souhaitent maintenir le peuple dans l’obscurité, qui travaillent pour que le pouvoir reste aux élites, qui souhaitent contrôler la vie de l’artiste et celle des autres gens…
 
Jean Vilar qui pourtant a encouragé le débat sur tous les fronts, va devenir le cœur de cible des contestataires. Il en restera à jamais marqué. Peu après la fin du festival, alors qu’il s'est retiré quelques jours à Sète, il est frappé par un infarctus.
 
1971 : Jean Vilar succombe à un malaise cardiaque. Paul Puaux, ancien instituteur et ami de toujours, lui succède à la direction du Festival d’Avignon.
 
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10 jours avant sa mort, Jean Vilar enregistra, avec Jean-Louis Barrault, une sélection des grands textes d’Henri Bergson, désormais mis à la disposition du public dans le disque : « Henri Bergson – lu par Jean Vilar, Jean-Louis Barrault et Pierre Lamy » (FA5035).

© FRÉMEAUX & ASSOCIÉS BIOGRAPHIE (BIO JEAN VILAR)