Vidala - Una Historia Americana
Vidala - Una Historia Americana
Ref.: FA8624

(Nueva Canción)

Vidala

Ref.: FA8624

Artistic Direction : Production : C'est pas des manières

Label :  FREMEAUX & ASSOCIES

Total duration of the pack : 1 hours 12 minutes

Nbre. CD : 1

Select a version :
Thanks to this pack, you get a 16.67 % discount or €4.99
This product is already in your shopping cart
A digital version of this product is already in your shopping cart
Shipped within 24 to 48 hours.
Presentation

A deep dive into the vibrant heart of the “nueva canción” movement, paying tribute to the artists—like Violeta Parra, Víctor Jara, and Mercedes Sosa—who shaped Latin American history. Vidala brilliantly conveys the symbolic and liberating power of these songs, which blend popular folklore with protest music.

Una inmersión en el vibrante corazón de la “nueva canción” latinoamericana, rindiendo homenaje a artistas como Violeta Parra, Víctor Jara y Mercedes Sosa, que marcaron la historia del continente. Vidala transmite con brillantez el poder simbólico y liberador de estas canciones.



SI SE CALLA EL CANTOR 4’39 • YA NO SOMOS NOSOTROS 2’47 • A DESALAMBRAR 3’35 • TE RECUERDO AMANDA 3’31 • TODO CAMBIA 4’50 • CANARIOS 3’41 •  LA MALDICIÓN DE MALINCHE 6’17 • EL FUEGO DEL DESHONOR 4’22 • QUE VIVA MI MAMÁ 3’27 • SIEMBRA 3’33 • CANCIÓN DEL DERRUMBE INDIO 4’14 • À VICTOR JARA 2’36 • AY CANTO QUÉ MAL ME SALES 3’29 • CANCIÓN CON TODOS 6’04 • TODAVÍA CANTAMOS 3’55 • GRACIAS A LA VIDA 3’56 • LA CARTA 3’15 • QUE VIVA LA LIBERTAD 3’21.

Séverine SOULAYRÈS : Chant, guitares
Christophe JACQUES : Guitares
Raphaèle FREY-MAIBACH : Percussions, chant, récitatif (« À Víctor Jara »)
Baptiste ROMANO : Percussions, chant
Gérard FREY : Contrebasse (« Ay canto qué mal me sales »)
Jésus-Alani GUTIÉRREZ : Récitatif (« Si se calla el cantor »)
Sophie BONNIN : Récitatif (« Siembra »)
Direction artistique / Tous arrangements : Vidala

Tracklist
  • Piste
    Title
    Main artist
    Autor
    Duration
    Registered in
  • 1
    Si Se Calla El Cantor
    Vidala
    Horacio Guarany
    00:04:41
    2025
  • 2
    Ya No Somos Nosotros
    Vidala
    Patricio Manns
    00:02:50
    2025
  • 3
    A Desalambrar
    Vidala
    Daniel Viglietti
    00:03:38
    2025
  • 4
    Te Recuerdo Amanda
    Vidala
    Víctor Jara
    00:03:36
    2025
  • 5
    Todo Cambia
    Vidala
    Julio Numhauser
    00:04:53
    2025
  • 6
    Canarios
    Vidala
    Gaspar Sanz
    00:03:45
    2025
  • 7
    La Maldición De Malinche
    Vidala
    Gabino Palomares
    00:06:17
    2025
  • 8
    El Fuego Del Deshonor
    Vidala
    Séverine Soulayres
    00:04:24
    2025
  • 9
    Que Viva Mi Mamá
    Vidala
    Nicomedes Santa Cruz
    00:03:30
    2025
  • 10
    Siembra
    Vidala
    José Fogaça
    00:03:38
    2025
  • 11
    Canción Del Derrumbe Indio
    Vidala
    Fernando Figueredo Iramain
    00:04:19
    2025
  • 12
    À Victor Jara
    Vidala
    Séverine Soulayres
    00:02:36
    2025
  • 13
    Ay Canto Qué Mal Me Sales
    Vidala
    Víctor Jara 
    00:03:35
    2025
  • 14
    Canción Con Todos
    Vidala
    Armando Tejada Gómez 
    00:06:12
    2025
  • 15
    Todavía Cantamos
    Vidala
    Víctor Heredia
    00:03:38
    2025
  • 16
    Gracias A La Vida
    Vidala
    Violeta Parra
    00:04:00
    2025
  • 17
    La Carta
    Vidala
    Violeta Parra
    00:03:19
    2025
  • 18
    Que Viva La Libertad
    Vidala
    Vidala
    00:03:21
    2025
Booklet

TELECHARGER LE LIVRET

VIDALA / una historia americana

Les titres de cet album, à une exception près sont tous des chansons. C’est un peu ce qui nous a réunis dans ce projet, tous ces textes et la musicalité qui les accompagne. Chanter quelque chose écrit en 1960, 70 ou 80 n’est pas chose aisée, sauf si le sens devient intemporel et prend le dessus. L’interprétation et les arrangements sont toujours délicats, ou alors il faut se situer au plus près musicalement de ce qui a été écrit dans une démarche de patrimoine et de tradition. Mais cela n’est pas notre métier, ni notre propos dans ce projet.

Dans le cas de toutes ces chansons, nous avons ressenti un sentiment de présent si fort à travers les textes, que nous les avons interprétés avec notre sensibilité d’aujourd’hui. Bien sûr, les membres de Vidala sont remplis de l’histoire de ces chansons, des mélodies et des formes musicales qui les composent et il ne leur viendrait pas à l’idée d’en dévoyer le sens.

En nous laissant prendre par la profondeur de la poésie, la puissance et l’actualité des combats, des revendications, par l’humanisme partout présent, dans la fraternité à travers le mouvement de la Nueva Canción et les actes de tous ses autrices et auteurs à travers leurs textes, la forme s’est peut-être un peu estompée, même si elle est bien présente, écrite entre les lignes.

Les émotions, dégagées par la matière, le fond, nous ont emmenées loin de nos propres sentiers, de la technique, de nos savoirs et de nos connaissances du sujet, pour aboutir à ces interprétations très personnelles où les formes cubaines enlacent les formes argentines, chiliennes, péruviennes, où serpentent les pentatoniques des amérindiens jusqu’au cœur des rythmes africains, où le blues et le rock prennent leur place aussi.

Nos amis musiciens et écrivains sud-américains nous ont encouragés dans notre démarche, respectueuse de l’histoire, des femmes et des hommes qui ont composé ces titres.

Notre propos n’est pas d’être légitimes, mais de faire connaitre et de partager avec le public, la force, l’humanité et la beauté de ces textes, la légitimité restant attachée aux seuls autrices et auteurs.

La musique est un flux qui nous réunit tous, sans besoin d’aucune formation ni connaissance, pour écouter, ressentir et peut-être, un jour chanter et danser.

Les émotions à l’écoute de la musique sont propres à chacune et à chacun, mais parfois le flux nous fait vibrer tous ensemble comme les feuilles d’un arbre sous le vent. Ce moment intense et incomparable nous réunit, comme ces chansons ont réuni des millions de gens avant nous, pour combattre l’indicible et exprimer la volonté d’un monde meilleur où chacune et chacun aurait sa place. Elles nous offrent la résilience, la fraternité et la solidarité.

 

NUEVA CANCIÓN

Isabelle Bleton, Maîtresse de conférences en littérature et civilisation de l’Amérique latine,
ENS de Lyon, novembre 2024

La Nueva Canción latino-américaine est un mouvement qui a émergé dans les années 60, fleuri dans les années 70, subi la répression des régimes autoritaires, avant de renaître, constamment réadapté et repris par les nouvelles générations d’artistes. Au Chili, la jeunesse connaît ces chansons, reprises dans les manifestations et désormais devenues des classiques. Mais qu’est-ce exactement que la Nueva Canción?

Ses précurseurs sont l’Argentin Atahualpa Yupanqui et la Chilienne Violeta Parra, tous deux profonds connaisseurs du folklore de leurs pays respectifs, et les premiers à proposer un renouvellement et une réactualisation de ce folklore dans leur travail de compositeurs et d’auteurs de chansons. Ils vont influencer toute une génération d’artistes qui depuis leurs pays et leurs identités culturelles vont récupérer tout un héritage riche et varié de chansons provenant du XIXe siècle (le cancionero), mais aussi de schémas rythmiques et mélodiques préhispaniques et africains qui se sont transmis depuis des siècles grâce aux descendants des peuples autochtones colonisés et des esclaves arrivés d’Afrique. Cet intérêt pour la tradition est couplé à la recherche d’un renouvellement de la chanson populaire dans le contexte social, politique, économique et culturel des années 60, particulièrement bouillonnant en Amérique latine. Face à des systèmes conservateurs et protecteurs des intérêts des élites du pouvoir et des oligarchies, et encouragés par l’exemple de la Révolution cubaine, des mouvements politiques révolutionnaires émergent, intellectuels et artistes se mobilisent et s’engagent dans une dynamique de contestation du pouvoir et des forces réactionnaires. Dans les champs, dans les usines, dans les mines, dans les forêts, l’immense peuple travailleur subit en silence des conditions de travail très dures et des injustices au quotidien. Aucun répit, des salaires de misère, pas d’école, pas de protection sociale. La très grande majorité est analphabète. La transformation de la société dont rêvent les révolutionnaires ne peut se faire sans un peuple conscient et en éveil. Dans les années soixante, dans les centres industriels, dans les campagnes, on écoute la radio. La chanson va être alors l’un des formes les plus importantes de communication des messages de contestation, de lutte et d’espoir, grâce à sa capacité d’accéder à la population et grâce à sa force communicative. Ce pouvoir de la chanson repose sur sa forme complexe à la fois poétique et musicale, une combinaison qui permet d’atteindre les consciences et les cœurs, plus efficacement qu’un discours ou qu’un texte. La Nueva Canción émerge alors, de façon simultanée dans différents pays : « Nueva canción chilena » au Chili, « Canto popular » en Uruguay, « nuevo cancionero » en Argentine… Même à Cuba, pays où triomphe une révolution socialiste, émerge un mouvement, la « Nueva trova cubana ». Cuba sera justement un lieu clé où les artistes venus de différents pays se rencontrent et prennent conscience de ce mouvement international de la chanson engagée qui émerge un peu partout dans le monde. Des liens se tissent entre la « protest song » nord-américaine, la « Nova cançó » catalane, la « Canción protesta » espagnole, et la Nueva Canción en Amérique latine. Les artistes s’associent, composent et écrivent ensemble. Les chansons circulent à travers tout le continent et partout dans le monde. Ce mouvement, né des folklores profonds, est tout sauf un hymne identitaire : c’est un mouvement profondément international et anti-nationaliste, porteur d’une vision commune de l’Amérique latine, comme en témoignent certaines de ses chansons emblématiques, comme « Canción con todos ». La Nueva Canción, c’est l’expression des aspirations à la dignité, à la fraternité, à la liberté et à l’unité de tous les peuples. Elle est une chronique, un témoignage des injustices et des souffrances subies par les peuples, par les minorités, par les femmes et par toutes celles et ceux qui travaillent dur pour survivre. Mais elle est également un mouvement artistique et culturel alternatif, qui s’est construit contre les musiques commerciales et le colonialisme culturel venu des Etats-Unis et qui exprime pleinement la culture des pays d’Amérique latine. C’est enfin un mouvement conscient de lui-même, et qui, à travers certaines de ses chansons, cherche à penser ce qu’est une chanson engagée, ce qu’est la poésie et la fonction de l’art. Véritable expression artistique singulière, La Nueva Canción n’a jamais cessé de se réactualiser et d’entrer en résonance avec les problématiques actuelles. L’esprit de la Nueva Canción est toujours là, parmi nous, et la guitare, instrument de « sens et de raison » (Víctor Jara) ne cessera jamais, face à toutes les oppressions, d’entretenir la flamme de la lutte et de l’espoir.

 

Te recuerdo Amanda

Patricio Sánchez Rojas, poète, écrivain, novembre 2024

Je me souviens encore de la première fois où j’ai entendu cette chanson à la télévision, chantée par Victor Jara. À l’époque, j’étais peut-être plus familiarisé avec Plegaria a un Labrador (Prière à un laboureur). J’avais alors onze ou douze ans, et cette musique m’a immédiatement captivé. Le thème de l’amour et du travail en usine ne me laissait pas indifférent, car j’accompagnais souvent ma famille aux manifestations où nous croisions des ouvriers soutenant activement le gouvernement de Salvador Allende. Ces travailleurs arboraient souvent un sourire, et je voyais parfois des couples s’embrasser, heureux, (peut-être comme Amanda et Manuel), certains que le destin du Chili était en train de changer.

Je pense que ces ouvriers que j’ai rencontrés dans la rue croyaient véritablement que leurs vies allaient s’améliorer grâce au programme de l’Unité populaire. Malheureusement, la dictature militaire du 11 septembre 1973 allait détruire ce magnifique projet de société fondé sur le partage des richesses et la nationalisation du cuivre, jusque-là aux mains des États-Unis.

Sous la dictature de Pinochet, j’avoue que je suis devenu surtout admirateur de Violeta Parra. Sa musique, comme toute forme d’expression culturelle, était interdite par les militaires. À notre arrivée en France avec ma famille, j’ai eu l’occasion de découvrir plus en profondeur l’œuvre de Victor Jara et de mieux comprendre son univers musical.

C’était l’époque où Daniel Viglietti venait chanter à la Maison de France, notre refuge à Fontenay-sous-Bois. C’est dans ce contexte que j’ai pris conscience de la richesse du folklore chilien et latino-américain. Ayant vécu quatre ans sous une dictature militaire, je manquais cruellement d’informations, car la culture était bannie de la vie quotidienne. Les livres étaient brûlés dans les rues et la Nueva Canción était proscrite. Le mot « révolution » avait été effacé du vocabulaire par la répression militaire. Nous vivions alors dans ce que l’on pourrait appeler un « apagón cultural », (obscurantisme culturel). Les militaires réécrivaient l’histoire, éliminaient des chapitres entiers des programmes scolaires, interdisaient la presse non-officielle et les syndicats, et prohibaient les rassemblements de plus de cinq personnes.

Mon arrivée à Paris a été une véritable bouffée d’air frais, une redécouverte culturelle. Je me rendais parfois avec mes amis réfugiés au théâtre Aleph, fondé par le dramaturge chilien Oscar Castro, où les pièces étaient souvent accompagnées des chansons de Silvio Rodríguez, de Victor Jara, et de tant d’autres représentants de la Nueva Canción.

À Paris, j’ai également eu la chance d’écouter, dans différentes salles, des artistes comme Mercedes Sosa, El Gitano Rodríguez, Isabel et Ángel Parra, Quilapayún, Inti-Illimani et Illapu, des piliers de la nouvelle chanson latino-américaine.

La figure de Victor Jara reste profondément liée à celles de Neruda et Lorca. Leur fin tragique est devenue un symbole universel de l’engagement politique et culturel de ces artistes envers leur pays.

 

CANCIÓN DE PROTESTA

Sandra Monet D. Hernández, Professeure en littérature latino-américaine, Université de Lyon 2, spécialité de poésie cubaine, novembre 2024

La nouvelle chanson latino-américaine, née d’un vrai dialogue interculturel, depuis les années 1960-70, fut appelée par influence des Protest songs (états-uniens), « canción de protesta », en Espagne depuis la fin du franquisme, au Chili avec Violeta Parra et Victor Jara, en Uruguay avec Daniel Viglietti, et en Argentine, avec Atahualpa Yupanqui. Le terme utilisé à Cuba est celui de Nueva Trova, pour se distinguer de la Trova dont elle est issue au niveau musical et de la tradition criolla des paroliers populaires (Carlos Puebla). Elle a correspondu à une période de grande créativité de la fin des années 60 à 80, avec son Festival annuel, gratuit pour tous, où se produisaient des centaines d’artistes de talent, cubains et latino-américains ; ils ou elles étaient de joyeux révolutionnaires, de jeunes rebelles soucieux de préserver leur liberté d’expression. Lors de ces concerts extraordinaires, l’énergie de la jeunesse explosait, même après 20 ans de révolution socialiste.

Au-delà d’un patrimoine musical et poétique commun (héritage des troubadours espagnols), c’est l’engagement politique qui a créé l’unité parmi ces auteurs-compositeurs-interprètes, comme Paco Ibáñez, Ana Belén et Victor Manuel pour l’Espagne, Pablo Milanés et Silvio Rodríguez à Cuba, des groupes chiliens qui ont réactualisé ces musiques créoles d’origine européenne, amérindienne et africaine : Quilapayún, Inti-Illimani, les frère et sœur Parra. Rappelons-nous, à la Fête de l’Huma, cette interprétation joyeuse de la chanson populaire cubaine, « La batea », par les Quilapayún, alors exilés politiques, ou la voix profonde de Mercedes Sosa, si imposante d’émotion, ou bien cette rencontre fortuite à Santiago de Cuba, avec des jeunes artistes de rue qui entonnèrent le « Chamame a Cuba », une chanson argentine, en hommage à la Révolution, qui avait été interprétée par une grande voix des années 80, Soledad Bravo du Venezuela. C’était l’époque de notre (premier) concert de Silvio et Pablo, dans un théâtre parisien, où le public chantait avec enthousiasme : « El pueblo unido jamás será vencido ».

Ces chants de révolte d’artistes engagés, dans tout le continent latino-américain, contre l’oppression capitaliste, les dictatures et l’impérialisme « yanqui », prenaient appui sur la noble idée partagée de solidarité entre les peuples, face au fascisme, à l’exclusion et à l’intolérance. Leurs auteurs ont ainsi participé à la diffusion de leur combat pour le respect des droits humains, tout en préservant la richesse de leurs cultures métissées.

 

HERENCIA NEGRA

Javier Lazo, auteur-compositeur-interprète, novembre 2024 - traduction Isabelle Bleton

Je suis Javier Lazo, je compose de nouvelles chansons afro-péruviennes, depuis cette tradition musicale et aussi en dehors de celle-ci.

Je passe ma vie à répondre à la question posée naguère par Victoria Santa Cruz : qui suis-je ? Une telle question n’est pas anodine, dans un pays infiniment beau qui renie ses racines indigènes et occulte l’apport des personnes afro-descendantes.

J’ai grandi auprès des peñas et des centres musicaux, j’ai suivi les cours d’une école de musique officielle, mais ce sont les vieux musiciens, hommes et femmes des villages que j’ai visités, qui m’ont émerveillé avec la chanson populaire. Et c’est pourquoi, depuis lors, je souhaiterais, comme Atahualpa Yupanqui, que l’on oublie mon nom, que mes chansons retournent à la terre d’où elles sont nées.

La musique afro-péruvienne est l’œuvre héroïque du peuple afro-descendant, l’exercice collectif de mémoire et de dignité qui a remis en lumière des instruments musicaux comme le cajón, la cajita et la mâchoire d’âne, le voyage depuis la mort vers la vie, qui a fait naître des rythmes profonds comme le panalivio, le landó et le festejo.

Composer de nouvelles chansons avec ces rythmes m’a valu d’être tantôt aimé, tantôt contesté ; célébré par ceux qui pensent que la mémoire populaire traverse le temps, portée par l’esprit libre des créateurs, et marginalisé par ceux qui ne veulent pas d’une nouvelle voix, d’une nouvelle façon de faire de la musique afro-péruvienne.

Cette musique, c’est mon héritage, un héritage noir que je porte à l’intérieur de moi. Certains amis chers se moquent de moi en disant que je pense le monde en clave de six huit. Je fais aussi un rêve, le rêve que le monde entier découvre le rythme en six huit qui embrasse mon accent, la clé musicale de mes ancêtres.

C’est sur ce chemin que j’ai rencontré mes frères et mes sœurs de la formation musicale Vidala, fins dévots et innovateurs des musiques de l’Amérique latine. J’embrasse leur art et leur amour de la terre, je sens qu’avec eux, nous sommes des voix en résistance qui construisent une histoire américaine.

 

Todo cambia

Eduardo Berti, écrivain, novembre 2024

Je n’appartiens pas à la génération de la « nueva canción ». J’ai grandi avec le rock argentin et uruguayen, avec le tropicalisme et le post-bossa du Brésil, avec des groupes qui mélangeaient électricité et culture latino-américaine comme Los Jaivas au Chili. Si la « nueva canción » était la bande sonore du rêve d’une révolution politique en Amérique du Sud (Víctor Jara, Daniel Viglietti, Violeta Parra, etc.), le rock en espagnol (très influencé par les Beatles) était la bande sonore de la résistance culturelle aux dictatures des années 1970.

Bien entendu, de nombreux musiciens que j’aimais construisaient des ponts avec la « nueva canción » : de Chico Buarque, Milton Nascimento ou Caetano Veloso à León Gieco, Litto Nebbia ou Jaime Roos. Bien entendu, je n’ai pas tardé à découvrir Silvio Rodríguez et la trova cubaine. Bien entendu, lorsque la dictature argentine s’est affaiblie (en particulier après la guerre des Malouines), les parents ou les grands frères de mes amis ont commencé à dépoussiérer les livres et les disques interdits (ceux qu’ils n’avaient pas détruits mais qui avaient heureusement été cachés dans une cave) et c’est ainsi que j’ai eu finalement accès aux disques originaux, et avec un relent de moisi, d’Alfredo Zitarrosa, de Quilapayún, de l’immense Mercedes Sosa et de la magnifique Chabuca Granda, que je trouve de plus en plus magnifique.

Il y a eu un moment clé en février 1982, quelques mois avant la guerre des Malouines. La dictature argentine montrait ses fissures (celles qui ont poussé Galtieri à lancer une guerre comme manœuvre de distraction) et un producteur venu du monde du rock (Daniel Grinbank, manager de Seru Giran, un groupe extraordinaire) a organisé des concerts en direct qui sont entrés dans l’histoire : le retour de Mercedes Sosa, après une longue absence. Mercedes avait dû s’exiler en Europe, menacée par la Triple A (groupe d’extrême droite lié au péronisme) et, plus tard, par la dictature. Il y a eu d’abord des messages anonymes et des alertes à la bombe, mais au final treize représentations inoubliables. Et un double disque enregistré en direct où Mercedes interprète Atahualpa Yupanqui, mais chante aussi en duo avec Charly García, ou passe (à la stupéfaction d’une partie du public) d’une chanson à l’âme de chamamé de Tarragó Ros à une ballade de María Elena Walsh.

Après avoir consacré la nouvelle chanson du continent, Mercedes proposait un nouveau vocabulaire, fait de folklore, tango et rock. Une synthèse brillante, comme elle seule pouvait la faire. Lorsque, deux ans plus tard, elle a enregistré le magnifique « Todo cambia » de Julio Numhauser, nous avons été nombreux à penser que les paroles de cette chanson condensaient plusieurs choses : l’expérience de l’exil, bien sûr, mais aussi l’ouverture d’esprit que procurent les années, le besoin de se réinventer et la sagesse de le faire sans trahir l’essentiel.

J’ai eu la joie de parler avec Mercedes, je l’ai interviewée plus d’une fois dans sa maison de Buenos Aires, toujours acueilli avec une cordialité extraordinaire. Elle savait que j’aimais un thé à la fraise et me l’offrait toujours –détail qui parle d’une personne spéciale. Un jour, nous avons longuement parlé des changements et de la manière dont les idées et les goûts musicaux de son fils Fabián (qui avait presque le même âge que moi) l’avaient poussée à changer. Je pense que Mercedes aurait souscrit à un texte écrit par Bob Dylan en référence à ses premières années en tant que « chanteur de contestation ». Dylan y affirme qu’il voyait à cette époque les choses « en noir et blanc », et conclut : « J’étais beaucoup plus vieux alors (parce que j’avais des idées fixes), je suis beaucoup plus jeune aujourd’hui ». La grande leçon de la deuxième étape de Mercedes Sosa est, sans aucun doute, une leçon de jeunesse.

Todo cambia, oui, tout change parce que « le présent est un projet antérieur », comme le chantait Fernando Cabrera, parce que nous devons croire que « demain est meilleur », comme le chantait Luis Alberto Spinetta. Aujourd’hui, les plus jeunes s’orientent vers des genres tels que le trap ou la nouvelle musique urbaine : Paco Amoroso, Wos, Nicki Nicole, Trueno, Catriel, pour ne citer que cinq formidables artistes argentins récents. Tout change, mais le changement n’est pas une tabula rasa car ils portent en eux des traces du meilleur du passé, de ce bel enchevêtrement de fils qui relie les payadores de la pampa à Gardel ou Discépolo ; Discépolo à Serrat ou Rubén Blade ; Gardel à Piazzolla, Tom Jobim ou Armando Manzanero, mais aussi le candombe de Rubén Rada au paracutá péruvien ou à Gilberto Gil, Alceu Valença et Os Paralamas, pour ne citer que quelques noms.

La « nueva canción » annonçait ou espérait un monde nouveau. Un homme nouveau. Rappeler que « todo cambia » est, en fin de compte, un hommage à ces enseignements. Un moyen créatif de faire naître de nouvelles choses.

Revisiter le répertoire de l’ancienne « nouvelle chanson » n’équivaut pas nécessairement à exalter le passé avec la triste conviction que c’était mieux avant. Cela peut être aussi une façon de célébrer ou de retrouver l’énergie et la créativité de ce noyau de musiciens qui ont laissé un exemple de risque et d’authenticité, d’engagement et de sensibilité.

 

 

 

© Frémeaux & Associés 2025

 

Séverine SOULAYRÈS : Chant, guitares

Christophe JACQUES : Guitares

Raphaèle FREY-MAIBACH : Percussions, chant, récitatif (« À Víctor Jara »)

Baptiste ROMANO : Percussions, chant

Gérard FREY : Contrebasse (« Ay canto qué mal me sales »)

Jésus-Alani GUTIÉRREZ : Récitatif (« Si se calla el cantor »)

Sophie BONNIN : Récitatif (« Siembra »)

Direction artistique / Tous arrangements : Vidala

 

Prise de son : Christophe JACQUES (Studio CPDM)

Montage : Séverine SOULAYRÈS et Christophe JACQUES

Mixage : Richard BÉNÉTRIX

Mastering : Pascal CACOUAULT (Studio du Cailloux)

Peintures et photographie : Sophie BONNIN - Mise en page : Nicolas PASSOT

Conseils scientifiques : Isabelle BLETON, Sandra MONET D. HERNÁNDEZ

Production : C’est Pas des Manières - Lyon/Villeurbanne - France

Administration : Angélique DE PAOLI - admin@cestpasdesmanieres.org

Management, diffusion et développement : Thierry ROLLET - thierry@cestpasdesmanieres.org                      
00 +33 (0)671 639 536

Fabrication et distribution : Frémeaux & Associés - www.fremeaux.com

 

Un grand merci

À Richard Robert (Opéra Underground de Lyon), David Brahim (Espace Vaugelas de Meximieux) Stéphan Meynet (Théâtre Astrée de Université Lyon 1),Vincent Villenave (Grand Angle de Voiron), Khadija Unal et Mathilde Favier (Ville de Ferney-Voltaire), Catherine Canivet, Yves Trovel (Conservatoire de Lamballe), Frédéric Vérité (Conservatoire de Valserhône), Olga Barry et Januario Espinosa (Nouveaux Espaces Latinos), Patricio Guzmán, Patrice Pegeault et Yves Bénitah ainsi que l’équipe de tournage Eloïse, Andy.

À Sophie Bonnin, Nico Passot, Javier Lazo, Isabelle Bleton, Eduardo Berti, Patricio Sánchez Rojas, Sandra Monet D. Hernández, Jésus-Alani Gutiérrez, Gérard Frey, Stéphane Daublain, Mercedes Alfonso, Sol Buffet-Casal, Mirtha Guerrero, Fabienne Regnier, Pierre Rouyer, Mariana Mariñelarena, Barbara Frey-Maibach, Aïna Romano, Patricia Villena, Marie Julliard, Delphine Gaud.

À Richard Bénétrix, Pascal Cacouault, Thierry Rollet et Angélique de Paoli.

Merci aussi à nos familles et tous nos amis qui nous soutiennent dans ce projet.

Une pensée particulière pour Françoise Romano, Doudou Olivier Congar, Alberto Villarreal.

Where to order Frémeaux products ?

by

Phone

at 01.43.74.90.24

by

Mail

to Frémeaux & Associés, 20rue Robert Giraudineau, 94300 Vincennes, France

in

Bookstore or press house

(Frémeaux & Associés distribution)

at my

record store or Fnac

(distribution : Socadisc)

I am a professional

Bookstore, record store, cultural space, stationery-press, museum shop, media library...

Contact us