« Une véritable histoire » par Notes de l’instant

« Le dernier livre d’Alain Gerber ne porte pas, à proprement parler, sur ce que l’on a coutume d’appeler le « jazz. » Son sujet c’est, cette fois, la « bossa nova ! »

L’écrivain, l’immense et intense connaisseur du jazz aurait-il quitté New Orleans, Chicago, New York ou la West Coast pour Copacabana ? Il semble que le titre de ce livre qui vient de paraître il y a quelques semaines « Naissance de la bossa nova » (éditions Frémeaux et Associés) puisse le laisser croire. (Ajoutons aussi qu’avec ce nouvel opus se trouve sous la même appellation un double CD, en quelque sorte illustration musicale, documentaire de l’ouvrage lui-même : en un seul instant on comprend que Gerber connaît aussi bien l’histoire, les fondements, les réussites, les tours et détours de la bossa que celles et ceux de tous les jazz de la Terre.)

Mais voilà : ce titre, « Naissance de la bossa nova » ne dit pas tout. Loin de là.

S’il dévoile des mystères, ou des anecdotes toujours significatives ce n’est pas des débuts de la bossa qu’il serait seulement question, mais plutôt de son « histoire », de sa « généalogie, » c’est-à-dire de ce qu’elle est profondément.

Et cela débute à peu près ainsi : « A bas bruit, quelque chose d’essentiel vient d’être dit, la bossa nova est un pur produit de l’impureté. Elle est une enfant naturelle – c’est l’auteur qui souligne – Autrement dit, comme le jazz elle est un rejeton de la bâtardise. » (p 31).

C’est bien sûr vrai, doublement vrai. Tant pour la bossa nova elle-même que pour le jazz. Pour celui-ci, c’est même ce que son nom signifie sans doute à l’origine des plus ou moins bas-fonds de La Nouvelle Orléans.

Un peu plus loin – mais à peine : p 34 – Alain Gerber prévient : « Pour autant il ne faut pas se dissimuler que tout le monde n’est pas convaincu d’emblée que les deux genres appartiennent à un même univers. »

Et, sans doute, y a-t-il encore aujourd’hui (peut-être même encore davantage aujourd’hui qu’à l’aube subtropicale de la bossa) bien des avis contraires. Ne serait-ce qu’en raison d’oreilles inattentives, ce qui, dans la chaleur, pourrait peut-être trouver d’autres distractions ! Et, certes, peut-on toujours, opposer ces deux musiques. On peut aussi, très souvent en tout cas, sinon comprendre de façon plus ou moins « rationnelle », à tout le moins sentir en quoi elles sont sœurs, jumelles, cousines, voisines. Peut-être parce qu’elles touchent à quelque chose que bien d’autres n’atteignent jamais, parce que ce « quelque chose », on l’ignore, on détourne le regard, et précisément, on ne veut pas le reconnaître.

« Naissance de la bossa nova » est un livre qui ne se décrit pas. Dont on ne peut donc faire le « compte-rendu » (comme de tout « bon » livre d’ailleurs). Il comporte bien trop de choses passionnantes et fulgurantes. Assez pour que l’on soit comblé et qu’il ne reste plus qu’à se réjouir de sa propre lecture, de sa propre chance…

Il y a ici une véritable histoire (au sens « scientifique » du terme). Mais il y a aussi « des histoires », voire parfois même, des « historiettes. » Et ces dernières ne font que renforcer, qu’aiguiser le plaisir de la lecture. Il y a là des digressions, des retournements de sujets – des sujets qui reviennent – il y a dans ce livre toute l’acuité des regards qu’Alain Gerber sait faire partager parce qu’il les fait vivre.

Ce serait une erreur de ne pas ouvrir ce livre et de s’y plonger aussitôt. Avec le même désir, la même passion que si l’on cherchait le cœur battant de l’Amazonie ou, un autre jour, celui d’une fille sur la plage d’Ipanema. »

Par Michel ARCENS – LES NOTES DE L’INSTANT