Baden Powell Live
Baden Powell Live
Ref.: FA4011

2 CONCERTS SUIVI D'ENTRETIENS AVEC PIERRE BAROUH ET CLAUDE NOUGARO

BADEN POWELL

Ref.: FA4011

Direction Artistique : Jean-Claude Guiter

Label : Frémeaux & Associés

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Présentation

“La couleur du son Baden Powell a cette volupté brésilienne qui vient de la mer, de la terre, de l’Amazone. Et du Noir”.
Herminho Bello de Carvalho

Ce film de prés de 3 heures réunit deux concerts (différents des CDs audios disponibles chez Frémeaux & Associés) du guitariste brésilien légendaire, père de la bossa moderne, pour la première fois disponible sur support DVD (format NTSC compatible toutes zones et tous pays). Les deux concerts en solo et en trio sont suivis en bonus d'une interview et de deux rencontres touchantes avec Pierre Barouh et Claude Nougaro.
Patrick Frémeaux

Baden Powel is a virtuoso guitarist. In his guitar he has rediscovered immemorial rhythms. Through his art, he has successfully achieved the union between the bossa nova's sophistication and the African roots, and, thanks to him, the folk origins of the samba now enjoy recognition and a proud status.
Jean Claude Guiter

Film 1 BADEN POWELL SOLO (58 minutes) : Samba do • Naquele • Lagoa de • Samba • Lembranças da infancia (Medley) • Asa branca • Marche écossaise.
Film 2 BADEN POWELL TRIO (59 minutes) : O Samba da minha Terra • Nega de Cabelo • Corcovado • A primeira Vez • Aos Pe da Cruz • Violao Vadio • Carinhoso • Berimbau • Quaquaraquaqua • Samba da Bençao. 
SUPPLEMENTS (58 minutes) :
Interview Baden Powell
Entretiens avec Pierre Barouh
Entretiens avec Claude Nougaro.
Droits vidéo : (1999) G2 - Mezzo (2005) Frémeaux & Associés Télévision (Groupe Frémeaux Colombini SAS).(Brésil Brasil Samba Réédition Frémeaux).



Film 1 BADEN POWELL SOLO (58 minutes) : Samba do • Naquele • Lagoa de • Samba • Lembranças da infancia (Medley) • Asa branca • Marche écossaise. Film 2 BADEN POWELL TRIO (59 minutes) : O Samba da minha Terra • Nega de Cabelo • Corcovado • A primeira Vez • Aos Pe da Cruz • Violao Vadio • Carinhoso • Berimbau • Quaquaraquaqua • Samba da Bençao. BONUS (58 minutes) : Interview Baden Powell • Entretiens avec Pierre Barouh • Entretiens avec Claude Nougaro.

Livret

BADEN POWELL LIVE fa4011

BADEN POWELL LIVE
Un film de JEAN-CLAUDE GUITER

“Ce film réunit deux concerts du guitariste brésilien légendaire, père de la bossa moderne, pour la première fois disponible sur support DVD”. 
Patrick FRÉMEAUX


Baden Powell était mon ami. Je l’ai rencontré pour la première fois chez lui dans sa maison d’Itahanga. Il venait de rentrer au pays après de longues années passées en Europe. Il a répondu à toutes mes questions, gentiment. En confiance, il raconta tout. Ses origines, sa famille, son enfance à Sao Cristovao. Son grand-père Thomas de Aquino qui avait été le premier à diriger un orchestre d’esclaves noirs au théâtre municipal de Rio. Il a parlé de son père, Lilo de Aquino, qui l’avait “contaminé” avec la musique. “La samba coule dans mes veines, je suis né compositeur”, disait-il : Il se souvint des Rodas de choro avec Pixinguinha et Jacob do Bandolim chez son maître Meira. De son premier prix de guitare à l’âge de 12 ans et de ses débuts comme professionnel. Il disait : Dans la guitare, j’ai tout fait, jouer dans les cirques, les baptèmes et même les enterrements si on me le demandait. Il joua les compositions qu’il avait crée avec Billy Blanco, Vinicius de Moraes, Paulo Cesar Phinheiro, tous partenaires, mais avant tout amis. Il me présenta ses fils Philippe et Louis Marcel, musiciens comme lui et dont il était fier. Il parla des villes où il avait vécu et qu’il avait aimé. Pendant trois années, nous avons discuté comme ça de tout et de rien. J’ai tout filmé, enregistré et il m’a emmené sur les traces de son histoire. A Varré Sai où il était né, à Sao Cristovao ; à Paris… Il a organisé des rencontres, des “Rodas de Choros”, chez ses amis. Il a interprété ses compositions avec grâce et amour. Baden Powell était un maître.Puis il s’en est allé.Tu nous manques Baden.      
Jean-Claude Guiter


BADEN POWELL

6 août 1937 : Une étoile voit le jour dans le ciel de Rio. Baden grandit dans un quartier populaire de la capitale au son des joueurs de choros qui se réunissent chez son père, le violoniste amateur, Lino de Aquino.Celui qui deviendra l’un des plus grand guitariste au monde, n’a que 8 ans lorsque son père le présente au grand professeur Meira; un an plus tard, Baden remporte le premier prix du concours de guitare organisé par la Ràdio Nacional, sous l’œil médusé du jury.Jusqu’à l’âge de treize ans, il travaille d’arrache pied chez son professeur. C’est là, autour d’une table ronde qui réunit les plus grands musiciens de l’époque, qu’il apprend à jouer et improviser d’une façon étourdissante, sur n’importe quel genre musical.Le soir il gagne ses premiers cachets dans les bals des faubourgs. Il lui arrive aussi de faire l’école buissonnière pour jouer avec ses amis du Morro de Mangueira.“Par chance, j’ai été élevé dans ce grand mélange, le classique, Pixinguinha (joueur de choros), l’école de samba, et tout cela a donné Baden Powell”.À 18 ans; il intègre le trio du pianiste Ed Lincoln et joue du jazz dans une boîte de Copaccabana. Un an plus tard, il compose sur des paroles de Billy Blanco, la célèbre Samba triste.


En 1962, Baden Powell rencontre Vinicius de Moraes, poète et compositeur, c’est le coup de foudre. L’enfant des faubourgs et le diplomate ne se quittent plus. Ils écrivent jours et nuit des titres de samba et de bossa nova en se nourrissant de leurs expériences si différentes.En 1963, Baden quitte le Brésil pour quelques mois et découvre la France. Il se produit avec succès à l’Olympia et au Bilboquet, où il interprète ses propres sambas et des pièces de musique classique.De retour au pays en 1964, il retrouve sa formidable histoire d’amitié avec Vinicius et compose “Berimbau”.Il part à Bahia où il passe six mois à s’imprégner des musiques du Candomblé et des chants des cultes africains (Terreiros). De retour à Rio, il compose avec Vinicius, en moins de trois mois, de très nombreux titres aux rythmes fortement influencés par l’Afrique qu’ils baptisent les afro sambas.Dans un pays en proie à la dictature, la violence de ces rythmes africains, l’utilisation de thèmes liés au Candomblé et la personnalité rebelle de Baden, suffisent pour que, sous la pression des autorités, le guitariste quitte le pays et vienne périodiquement résider en Europe.En 1966, il enregistre chez Barclay “O Mundo Musical de Baden Powell” et compose avec Vinicius la “Samba de Bençao” qui contribue au succès international du film de Lelouch “Un Homme et une Femme”.


De retour au Brésil, en 1968, Baden entame un nouveau partenariat avec Paulo César Pinheiro et compose en duo toute une série de musqieus et il réapparait en public à Rio dans son show “O Mundo Musical”.Depuis, il a signé de nombreux albums et multiplié les concerts dans le monde où il joue ses sambas et des interprétations de chefs-d’œuvre du baroque.Baden Powell est un guitariste virtuose. Il a redécouvert dans sa guitare, les rythmes immémoriaux. Il a su marier par son art, la sophistication de la Bossa Nova aux racines africaines et grâce à lui les origines populaires de la samba s’en trouvent exaltées.Dans l’histoire de la musique brésilienne, il va rester comme celui qui est reparti à la recherche de ses racines africaines, ouvrant la voie à la nouvelle génération de chanteurs.Grâce à lui, l’immense diversité des rythmes brésiliens issus d’Afrique ont été répertoriés et sauvés de l’oubli. 

J.-C. Guiter
© G2 - Frémeaux & Associés
english notes

Baden Powell was my friendI met him for the first time at his home in Itahanga. He had just come back after having passed many years in Europe. He answered kindly to all my questions. When in confidence, he talked about everything. his origins, his family, his childhood in Sao Cristovao, his grand father Thomas de Aquino, who had been the first to direct an orchestra of black slaves at the local theatre of Rio. He talked about his father, Lilo de Aquino, who had given him the “virus” of music.Baden used to say: “The samba runs in my veins, I am born composer”. He remembered of the Rodas de choro with Pixinquinha and Jacob do Bandolim at the home of Meira, his Master, of the first time he was praised for his guitar playing at the age of 12, and of his beginnings as a professional guitarist. He said: “With my guitar, I have done everything; played in circus, for baptism, and even for burials if asked for it.  He played the compositions that he had created with Billy Blanco, Vinicius de Moraes, Paulo Cesar Phinheiro. All of them partners and above all, friends. He presented me to his sons Philippe and Louis Marcel, both musicians as himself, and he was proud of them. He talked about the towns where he had lived and which he had loved.During three years, we discussed like that, about all kind of things. I have recorded it all and filmed everything when he took me on the footprints of his life.At Varré Sai where he was born, at Sao Cristovao, in Paris… He has organised encounters, the “Rodas de Chosos”, in the homes of his friend. He has interpreted his own compositions for us, with grace and love.Baden Powell is a Master. Then he left us.We miss you Baden.       
Jean-Claude Guiter


BIOGRAPHY
On August 6th, 1937, a star was born in the heavens of Rio. Baden grew up in the working-class district of Brazil’s capital, surrounded by the music of the choros players who gathered in his home: his father, Lino de Aquino, was an amateur violinist.The boy who was to become one of the world’s most gifted guitarists was only eight years old when his father took him to meet the great teacher Meira. One year later Baden won the first prize in the guitar contest organised by Brazil’s national radio company, under the bemused gaze of the judges.Up to the age of thirteen he studied assiduously with his teacher. It was during this period that, seated at a round table, he learned to play and to improvise with dazzling brilliance on music of all kinds, with the finest musicians of those times.In the evenings he earned his first money by playing in the popular suburban dance halls. He also occasionally took time out in order to make music with his friends at the Morro de Mangueira.“I had the good luck to be brought up surrounded by this vast array of influences – classical music, Pixinginha (a choros player), the samba school – and all this combined to produce Baden Powel”.At the age of sixteen he joined Ed Lincoln’s trio and played jazz in a Copacabana night club. One year later he composed the famous “Samba Triste” to lyrics by Billy Blanco. In 1962 he met Vinicius de Moraes, the poet and composer: the two men clicked instantly.
The child from the city’s outskirts and the diplomat became inseparable. Day and night, they dreamed up samba music and bossa nova compositions, drawing on their sharply contrasting backgrounds of expe­rience.In 1963, Baden took leave of Brazil for a few months and discovered France. He enjoyed successful appearances at the Olympia music hall and at Le Bilboquet, where he performed both his own sambas and pieces from the classical music repertory. Back home in 1964, he resumed his wonder-working friendship with Vinicius, and composed “Berimbau”.He went off to Bahia, where he spent six months soaking up the music of the Candomble and the African cult songs (Terreiros). After returning to Rio, he resumed his collaboration with Vinicius, and together, in less than three months, they turned out a large number of compositions whose rhythms attested to a strong African influence and which they called “Afro-sambas”.In a country under the yoke of dictatorship, the violence of those African rhythms, the use of themes linked to the Candomble, and Baden’s rebellious personality were sufficient under official pressure to cause the guitarist to periodically leave home and take up residence in Europe.In 1966, for Barclay, he recorded “O Mundo Musical de Baden Powell” and, with Vinicicius, composed the “Samba de Bençao”, which contributed to the world-wide success of Lelouch’s film “A Man and a Woman”.
After returning to Brazil in 1968, Baden formed a new partnership, this time with Paulo Cesar Pinheiro, which yielded a whole new series of joint compositions. He also appeared in public performances in Rio in his show entitled “O Mundo Musical”.Since that time, he has recorded several new albums and appeared in many concert performances world-wide, playing both his own sambas and interpretations or baroque masterpieces.Baden Powell is a virtuoso guitarist. In his guitar he has rediscovered immemorial rhythms. Through his art, he has successfully achieved the union between the bossa nova’s sophistication and the African roots, and, thanks to him, the folk origins of the samba now enjoy recognition and a proud status. In the history of Brazilian music he will stand out as a trail-blazer and trend-setter that sought and found his African roots, thereby paving the way for a new generation of singers.It is also through his efforts that the immense diversity of the Africa-spawned Brazilian rhythms has been established and rescued from oblivion.


BADEN POWELL

par Pierre Barouh
Après quelques promenades : Scandinavie, Israël, mes parenthèses parisiennes me comblaient du jazz des années cinquante, des escapades montmartroises et de mes repaires de banlieues qui me permettaient de trouver des lieux où je pouvais tenter de fredonner mes premières chansons, me nourrir du jazz et assouvir ma passion du jeu. La butte Montmartre, la rue Saint-Benoît et Azur Sport à la Garenne-Colombes où je retrouvais mes partenaires de Volley-ball, tempéraient l’impatience d’une prochaine errance. Ce fut le Portugal qui devait, je l’ignorais alors, être le terrain de découvertes me propulsant vers le Brésil et, plus tard, la rencontre de Baden Powell dont j’ignorais l’existence alors qu’il devait colorer mon parcours. Vers la fin des années cinquante le Portugal était alors sous la dicta­ture de Salazar. N’ayant jamais connu ce régime je pensais que c’était de l’opérette... Erreur!... débarquant à Lisbonne en stop, en jean, guitare au dos j’étais constamment taquiné par les flics. Adieu Lisbonne : je traversais le Tage et traînais sur la merveilleuse Costa de Arabida où, dans un vil­lage proche de Setubal, je fus adopté par une famille de pêcheurs. Quelques semaines plus tard rencontrant sur la plage des volleyeurs, ils me proposèrent d’intégrer leur club (le sporting de Lisbonne) me trouvèrent une petite chambre, une place d’entraîneur au lycée français. Reprenant pied dans la ville, j’explorais les parcours souterrains, les rencontres : Mario, décorateur, peintre, bon vivant et anar notoire qui, nostalgique d’un court séjour en France lui ayant offert quelques rudiments de notre langue, appréciait mes chansons.
Lors d’un de nos rendez-vous matinal tacite chez le barbier du parc Mayer où nous attendaient café et petits pains, il me présenta à Gianni. Celui-ci possédait un restaurant italien très bien fréquenté, le Sorrento où, lorsque je le désirais, je me présentais à une clientèle friande de culture française. Venaient assez régulièrement des membres exilés de la famille royale italienne accompagnés du directeur de la compagnie de navigation portugaise. Mario me trouva une chambre à Bairo Alto, quartier populaire de Lisbonne dont je m’imprégnais des charmes multiples, entre autres des petits bars nocturnes où régnait le fado. Jusqu’à ce que débarque Sivuca, merveilleux musicien brésilien, noir albinos, remarquable accor­déoniste et guitariste qui, quelques années plus tard devint chef de musique de Myriam Makeba et Harry Bela­fonte. Jamais je n’avais ima­giné de tels enchaînements harmoniques au service de mélodies aussi voluptueuses. Je ne découvris que plus tard que tant d’élégance était, de plus, au service de textes riches, rigoureux, imprégnés des vertus de la poésie populaire; plus tard, car c’est à leur écoute que j’appris les rudiments de la langue portugaise dont la rudesse exprimée par les autochtones me déroutait. Sivuca, dont le contact quotidien se prolongeait naturellement par une amitié qui ne s’est jamais démentie, me fit découvrir Joaô Gilberto, Vinicius de Moraès, Antonio Carlos Jobim, Dolorès Duran, et... Baden Powell...


L’obsession d’une traversée de l’océan, à la rencontre de cette richesse devint de plus en plus dense. Un soir, au Sorrento, je me risquais à solliciter le directeur de la compagnie de navigation pour qu’il me trouve un petit boulot sur un de ses cargos marchands allant au Brésil. Après quelques semaines d’attente fébrile : la délivrance. Le cargo restait à quai trois jours à Rio, trois jours à Santos et revenait à Lisbonne. Rio de Janeiro!... bien sur j’allais rencontrer Vinicius et Baden... Trois jours d’errance stérile si l’on excepte la découverte de cette baie merveil­leuse. Retour, quelques semaines à Lisbonne et de nouveau Paris. L’escapade avait duré huit mois. Reprenant mon petit circuit parisien, un soir avec un ami dans un restaurant de la rue Saint-Benoît, évoquant ma passion de la chanson brésilienne, je lui chantonnais au dessert “A noite de meu bem”, merveilleuse chanson de Dolorès Duran que Sivuca m’avait fait découvrir et dont j’avais écrit l’adaptation française. A la table voisine un groupe visiblement intrigué, délégua une jeune femme qui, après avoir dilué la curiosité générale quant à ma connaissance d’une chanson alors inconnue en France, m’invita à les rejoindre le lendemain soir chez elle où, précisa-t-elle, des amis auteurs et musiciens seraient présents. C’est ainsi qu’après avoir traversé l’Atlantique en lavant des assiettes, traîné de butiquim en butiquim dans les rues de Rio, je rencontrais rue Suger à Paris Vinicius et Baden. Soirée inoubliable où je dus rechanter en boucle (pour chaque nouvel arrivant) la version française de “A noite de meu bem” (La nuit de mon amour) qui avait provoqué l’enthousiasme de Vinicius et des nombreux brésiliens présents.La réserve et la pudeur de Baden complice de l’humour et la truculence du poète et diplomate (sic) Vinicius, la découverte de la “Samba da bensaô” qui, quelques années plus tard, sous le titre “Samba Saravah” fut intégrée au film de Claude Lelouch (Un homme et une femme), la virtuosité, le lyrisme, l’élégance de Baden qui, et cela n’a cessé de me stupéfier, opposait une attitude d’une sobriété totale à un déferlement musical toujours au service d’une émotion me bouleversa.
Lorsqu’il m’est arrivé, plus tard, d’observer des coulisses Baden face à une foule émerveillée, j’ai toujours eu l’impression d’observer le dos d’un homme pensif, assis, face à l’océan paisible guettant la tombée du jour alors qu’un ouragan transportait l’audience.La soirée inaugurait le premier séjour à Paris de Baden qui s’installa dans un petit studio rue de la Harpe, près du boulevard Saint-Germain. J’étais alors, après des années de promenades, en ins­tance de faire mon premier disque, chez AZ, avec Lucien Morice alors directeur des programmes à Europe 1, mais in­connu des médias et du public excepté de quelques-uns car j’avais joué au théâtre “La ménagerie de verre” de Tennessee Williams et, dans la foulée, tourné dans “D’où viens-tu Johnny”, alors en cours de montage. Il y a deux ou trois ans, au “Petit journal Montpar­nasse”, lors d’un de ces derniers concert, Baden ra­conta au public présent que (je l’avais oublié) j’avais réussi à convaincre des décideurs, a priori inaccessibles pour le débutant que j’étais, d’offrir à Baden Powell la première partie, à l’Olympia, de Jacques Brel alors au sommet de sa renommée. Il faut préciser (je schématise) qu’alors les clichés concernant le Brésil et sa musique se résumaient au football et “Si tu vas à Rio” popularisé par Dario Moréno. Baden fit un triomphe et, dans la foulée, enregistra ses premiers albums en France chez Barclay.Réalisant mes premiers disques, dans le sillage de Gérard Sire, je rencontre Claude Lelouch qui m’intègre dans un de ses premiers longs métrages : “Une fille et des fusils”. Dans la foulée il me propose le rôle d’un cascadeur dé­cédé dont une femme garde un souvenir ému (Un homme et une femme). Je lui présente deux amis : Jean-Louis Trintignant, partenaire de poker et de Camargue et Francis Lai avec qui, depuis quelques années, je passais à Montmartre où nous habitions des moments privilégiés prolongés par nos premières chansons dont “Plus fort que nous” que Lelouch décide, à la première écoute d’intégrer au récit. Un projet de film étant toujours aléatoire, je repars au Brésil précisant  qu’il serait toujours possible de me joindre au cas où?...
Vinicius me propose le premier rôle d’un film dont il est (après Orphéo Négro) le scénariste : “Arastaô” replaçant dans un cadre contemporain la lé­gende de Tristan et Iseut. L’action se déroule dans un village de pêcheur, Itaipu, petit paradis au large de la baie, face à Rio dont nous apercevons au loin le Corcovado et le pain de sucre. 1964, le pont reliant Rio de Janeiro à Nitéroi n’existe pas (Nitéroi dont les cariocas disent que la plus belle chose de cette ville est la vue que l’on a de Rio). Une traversée en bac rejoint cette ville, puis un chemin de terre nous amène à Itaipu : trois ou quatre heures de parcours. Le film, qui ne laissera beaucoup de traces, achevé, ayant touché un cachet, je fais l’acquisition d’une vieille  Jeep B.M.W., me loue une maison proche de la plage, décidé à ne plus bouger de ce lieu magique tant qu’il me restera de l’argent ou que Lelouch me fasse signe. En fait je ne vais à Rio que le dimanche : Maracana (le foot) et le soir, c’est un rituel, je retrouve Baden, Oscar Castro Neves, Milton Banana dans un petit bistro de Leblon. Quelques mois s’écoulent... Télégramme : “Pierre, on t’attend, tournage imminent. Claude”. La veille de mon retour à Paris nous la passons dans notre repaire avec, entre autres, les amis cités. Le saudade se profile, rires, capirinha et chansons. La Samba da bensaô dont Vinicius me savait épris et qu’il souhaitait que je fasse l’adaptation me paraissait inaccessible : trop brésilienne. C’est vrai, j’adorais cette chanson où un poète et un musicien contemporain rendaient hom­mage à ceux qui les entourent, dont ils s’étaient nourris ou qui exaltaient leur présent.
Il est fréquent de rendre hommage aux illustres disparus mais rarissime de saluer ceux qui sont du même voyage. La version française qui me semblait, sans trahir, impossible naît cette nuit. Nous la reprenons en boucle. Neuf heures du matin, mon avion partait à midi, nous nous retrouvons chez Baden. Je prend une douche et nous l’enregistrons sur un Revox ainsi qu’une autre chanson (Roses) de Dorival Caymi. Lelouch m’attend à l’aéroport et, me conduisant chez mes parents, me confie dans le désordre des bribes du scénario dont le tournage est proche : la présence des chansons, Anouk Aimée, Deauville, les nouveaux thèmes de Francis Lai, Trintignant pilote, moi cascadeur décédé... Je suis tellement impatient de lui faire écouter la samba dont je suis imprégné (je n’ai pas quitté la bande enregistrée du voyage) que je lui propose un détour à Europe 1 où j’ai des complices. Je n’imagine pas sa présence dans le film : une samba où je cite des noms d’artistes alors inconnus en France et qui, pour certains, le demeureront pendant des décennies. Fidèle à ses pulsions (Lucky Luke!...) à la première écoute, il dégaine : la Samba Saravah sera intégrée au récit. La version présente dans le film et la bande originale est celle enregistrée en une prise, sur un Revox, après une nuit blanche?... Non! multi­colore. Nous n’imaginions pas à l’époque le succès du film et des chansons dont la plus diffusée fut le thème phare mais le voyage de la Samba Saravah se prolonge et m’offre encore aujourd’hui des témoignages chargés d’émotions. C’est par elle que j’ai découvert les vertus de “l’effet pollen”: quelques mots, quelques notes confiées aux vents, sans que l’on sache où ils les déposent, où elles germent et s’épanouissent. Depuis trente cinq ans il m’est arrivé, il m’arrive, de me retrouver dans un bar à trois heures du matin, au Japon, au Québec, au fond de l’Auvergne et de m’entendre dire : “J’ai changé ma vie sur cette chanson, j’ai tout largué, je suis parti en voyage...”.
Bien au-delà de l’anecdote les répercussions liées au hold-up que fut cet enregistrement, se prolongent : avant de réaliser mon premier disque qui précéda cette expérience, avec Maurice Vander et Francis Lai, nous avions fait quelques apparitions scéniques où l’esprit ludique offrait un éclairage mouvant inhérent à l’esprit du jazz. Lorsque je me suis re­trouvé pour la première fois en studio d’enregistrement, j’étais confronté à un malaise que je n’arrivais pas à analyser. Tout devenait si propre, si lisse pour moi qui ai toujours eu un goût obsessionnel “des choses penchées”. Ce que (je l’ai découvert bien plus tard dans le sillage de Robert Doisneau) Jean Cocteau exprime avec son élégance : “Ou l’on soigne trop sa besogne, ou on ne la soigne pas assez, rarement l’on trouve l’entre deux qui boite avec grâce”. Tout devenait lim­pide: quelle que soit l’évolution des techniques, elles se doivent, c’est une priorité, d’être au ser­vice d’une émotion. La Samba Saravah a conditionné l’approche et le son du label Saravah (tiens! bizarre...). Nous avons dès la fin des années soixante réalisé des enregistrements d’anthologie (Fon­­taine, Higelin, Nana Vascon­cellos, Pierre Akendengué) sur des quatre pistes en cernant le moment rare lié à l’instant et aux circonstances. Concernant cette chanson mi­racle, une ombre secrète car jamais exprimée, subsiste, que je suis tenté d’exorciser par ce récit : Vinicius et Baden furent invités à une projection privée d’une copie non définitive de “Un homme et une femme”. J’étais heureux et fébrile... Quelques jours plus tard, Vinicius me fit parvenir une lettre où, mortifié, il me reprochait l’absence de leurs noms au générique, ce dont je ne pouvais en aucun cas être responsable d’autant que j’avais cité mes sources :“Faire une samba sans tristesse c’est aimer une femme qui ne serait que belle.
Ce sont les propres paroles de Vinicius de Moraès,poète et diplomate, auteur de cette chanson et comme il le dit lui-même, le blanc le plus noir du Brésilmoi qui suis peut-être le français le plus brésilien de Francej’aimerais vous parler de mon amour de la sambacomme un amoureux qui, n’osant pas parler à celle qu’il aimeen parlerait à tous ceux qu’il rencontre”Lorsque j’ai évoqué cet oubli à Claude Lelouch, bien sûr il s’est empressé de rectifier mais je n’ai jamais revu Vinicius après cette triste anecdote. N’ayant aucun sens du temps, j’ai toujours eu la certitude que nous nous retrou­verions un jour et que l’on noierait dans les rires et les chansons ce malentendu dont j’étais étranger et qui, j’en suis heureux n’a jamais eu la moindre incidence dans la tendre amitié partagée avec Baden. Quelques années plus tard, en 1969, j’ai réalisé mon premier film*. A nouveau un hold-up, tourné en trois jours au Brésil où, dans le sillage de Baden qui est éblouissant, j’ai eu le privilège de rencontrer des personnages mythiques de l’art populaire brésilien : Pexinguinha et Joâo da Bahiana qui, si j’en crois les spécialistes, n’apparaissent dans aucun autre document. Sont également très présents Marcia, Maria Bethania et Paulinho da Viola. Des extraits concernant Baden de ce document ont été repris par Walter Sallès junior dans un document qu’il a réalisé sur la bossa nova et qui a été plusieurs fois diffusé sur Arte. Walter est depuis, et c’est justice, devenu célèbre par le succès planétaire de son dernier long métrage : “Central do Brasil”.Au gré des vents nous nous sommes revus, à Calvi par hasard où, dans sa loge, après un concert, Baden me révéla qu’il était installé à Baden Baden!... qui, je le cite, est “o cimeitero do mundo...”! A paris de nouveau, en famille, avec ses deux fils Philippe (piano) et Louis Marcel (guitare) dont j’ai eu le bonheur de découvrir récemment à Rio l’immense talent de musicien que leur a légué leur père et que je vous envie de découvrir un jour. Baden Powell, j’aurais aimé le côtoyer avant qu’il ne rencontre Vinicius de Moraès. Un ami cinéaste, Jean-Claude Guiter, qui lui aussi utilise une séquence du document déjà cité, a tourné récemment un document consacré à ce prodige inoubliable.
Une séquence très émouvante illustre un retour dans son village natal qui me permit de l’imaginer alors arrivant à Rio, si discret, pudique, sobre, étranger apparemment à l’ardeur et l’invention exprimées dès que, guitare en main, il offrait l’élégante virtuosité propre à ceux qui savent la faire oublier. Et Vinicius, poète et diplomate, brillant, célèbre, paillard, bon vivant, grand buveur le prenant sous son aile et l’initiant aux dérapages nocturnes au cœur d’une ville multicolore, multiculture où, désinvolte, il promenait sa fa­conde.A une époque, alors qu’il partage l’appartement de Vinicius où, jusqu’au petit matin, l’alcool et les chansons les tenaient éveillés, Baden propose une mélodie qui semble appréciée : “Alors Vinicius, tu vas écrire un texte?...” vague acquiescement de ce dernier. Quelques nuits plus tard : “Tu as écrit quelque chose?...”Silence... Baden réitère... Long silence et “Non... Je n’écrirai rien...” “Pourquoi?...”“...”“Pourquoi?...”“Bon! je n’écrirai rien car ta mélodie est un plagiat...”“Un PLAGIAT?”“Oui un p l a g i a t !...”“Mais de qui ?”“De Chopin.”“De CHOPIN?...”“De Chopin... écoute, tu vas jouer cela à ma femme, c’est une spécia­liste de Chopin et tu vas voir...”“Tu vas pas réveiller ta femme à quatre heures du matin?...”S’il m’est impossible de citer le prénom de la femme en question, ignorant laquelle des huit femmes officielles qui traversèrent la vie turbu­lente de Vinicius était présente cette nuit-là, elle n’en était pas moins quelques instants plus tard à l’écoute. Baden rejoue la mélodie... Silence... Elle : “C’est superbe Baden”.Se tournant vers Vinicius : “Tu as écrit un beau texte j’espère”.“Non ! et tu sais très bien pourquoi”“...? ...? ...?”“Parce que c’est un plagiat!”“Un plagiat?... De qui? ”Vinicius vidant sa deuxième bouteille de bourbon :“Mais tu le sais très bien... De Chopin”.Très long silence perplexe.Vinicius se dirige vers la cuisine, se retourne et :“Chopin! il a oublié de l’écrire”.C’est ainsi que naquit l’une des plus belles chansons des deux complices, une des plus belles chansons d’amour jamais écrite, récemment enregistrée par Bîa et Yoshiro Nakamura : “Samba em préludio”.

Pierre Barouh
*Saravah.

CD DVD Baden Powell Live  © Frémeaux & Associés (frémeaux, frémaux, frémau, frémaud, frémault, frémo, frémont, fermeaux, fremeaux, fremaux, fremau, fremaud, fremault, fremo, fremont, CD audio, 78 tours, disques anciens, CD à acheter, écouter des vieux enregistrements, albums, rééditions, anthologies ou intégrales sont disponibles sous forme de CD et par téléchargement.)

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