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Lu par JEAN TOPART
JEAN TOPART
Ref.: FA8019
Direction Artistique : OLIVIER COHEN
Label : Frémeaux & Associés
Durée totale de l'œuvre : 2 heures 55 minutes
Nbre. CD : 3
- - RECOMMANDÉ PAR L’OEIL ÉLECTRIQUE
- - RECOMMANDÉ PAR L’ENSEIGNANT POUR LE SECOND DEGRÉ
- - RECOMMANDÉ PAR LA REVUE DE LA LIBRAIRIE MOTS ET MERVEILLES
- - RECOMMANDÉ PAR NOTES BIBLIOGRAPHIQUES
Texte intégral en 3 CD interprété par Jean Topart.
Voltaire fut le philosophe engagé du 18e siècle et la conscience de l’Europe. Candide frappe par sa légèreté, et sa justesse.
Selon Voltaire, chaque honnête homme doit se battre comme lui pour dénoncer partout le mal sous toutes ses formes et le faire reculer. Mais Candide s’impose dans notre patrimoine culturel, par sa modernité sur la question de l’homme face aux catastrophes naturelles, aux guerres, aux régimes tyranniques et leurs peuples asservis, au fanatisme et à l’intolérance religieuse, et à l’absurdité de la condition humaine.
Jean Topart interprète Candide.
Si Jean Topart est un de nos meilleurs lecteurs hexagonaux, sa fusion avec Candide est d’autant plus forte que sa voix semble toujours atteinte d’un optimisme ingénu sans réserve. Candide est pour Voltaire un véritable testament philosophique où l’auteur s’identifie totalement à son personnage, permettant à Jean Topart à son tour de devenir, avec un talent déconcertant, Voltaire lui-même nous interprétant sa vie, celle de Candide!
Voltaire avait 64 ans lorsqu’il composa Candide et le succès fut tel que de son vivant près de cinquante rééditions eurent lieu. Depuis, Candide est consacré comme l’un des plus grands contes philosophiques et pourtant il s’agit de sa première production sonore sur disque dans une qualité de diction digne de la langue de Voltaire.
Ce texte écrit pour l’oralité devient avec Jean Topart une véritable œuvre sonore philosophique.
Michel Pougeoise & Claude Colombini Frémeaux
Direction artistique : Olivier Cohen
Livret : Michel Pougeoise
Droits audio : Frémeaux & Associés
Lu par JACQUES PERRIN & AURELIEN RECOING
LU PAR DIDIER BEZACE
LU PAR NICOLE GARCIA
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PisteTitreArtiste principalAuteurDuréeEnregistré en
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1CANDIDE CHAPITRE 1JEAN TOPARTVOLTAIRE00:06:542001
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2CANDIDE CHAPITRE 2JEAN TOPART00:05:062001
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3CANDIDE CHAPITRE 3JEAN TOPART00:05:182001
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4CANDIDE CHAPITRE 4JEAN TOPART00:08:042001
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6CANDIDE CHAPITRE 6JEAN TOPART00:01:042001
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8CANDIDE CHAPITRE 8JEAN TOPART00:07:292001
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9CANDIDE CHAPITRE 9JEAN TOPART00:03:442001
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10CANDIDE CHAPITRE 10JEAN TOPART00:01:232001
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PisteTitreArtiste principalAuteurDuréeEnregistré en
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1CANDIDE CHAPITRE 12JEAN TOPART00:09:172001
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2CANDIDE CHAPITRE 13JEAN TOPART00:01:272001
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1CANDIDE CHAPITRE 22 SUITEJEAN TOPART00:13:202001
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2CANDIDE CHAPITRE 23JEAN TOPART00:01:022001
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10CANDIDE CHAPITRE 30JEAN TOPART00:05:392001
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11CANDIDE CHAPITRE 30 SUITEJEAN TOPART00:06:562001
CANDIDE ou L’optimiste
CANDIDE ou L’optimiste
VOLTAIRE lu par JEAN TOPART
la vie de voltaire - chronologie
1694 : Naissance à Paris, dans une famille bourgeoise aisée, de François-Marie Arouet (qui choisira le pseudonyme de Voltaire en 1718). Son père est conseiller du roi et ancien notaire au Châtelet. Il perdra sa mère, Marguerite Daumal, à l’âge de sept ans.
1704-1716 : Le jeune François Marie entre au Collège des jésuites Louis le Grand où il effectuera de brillantes études classiques et nouera des amitiés durables et avantageuses avec des “fils de bonnes familles” (Cideville, d’Argental, les frères d’Argenson). Son parrain l’abbé de Châteauneuf prend soin de son éducation mondaine voire épicurienne en l’introduisant précocement dans la société libertine des “viveurs” de l’Hôtel du Temple. Le futur Voltaire refuse une charge au Parlement, préférant mener une vie de jeune mondain et d’“homme de lettres”. Ses premiers écrits satiriques visant le Régent lui valent l’exil (doré !) à Sully-sur-Loire.
1717-1726 : Pour avoir récidivé (pamphlets impertinents), il est embastillé durant 11 mois (1717–1718) durant lesquels il rédige La Henriade, poème épique à la gloire d’Henri IV (1828), et commence à écrire sa première tragédie Œdipe qui sera un véritable triomphe (45 représentations successives en 1718). Le Régent pardonne à Voltaire et lui accorde une pension. Mais à la suite d’une querelle avec le chevalier de Rohan, Voltaire se fait bâtonner puis incarcérer de nouveau à la Bastille avant d’être exilé en Angleterre.
1726-1728 : Son séjour de trois ans en Angleterre lui est très bénéfique car il acquiert le goût des affaires (prospérité du commerce et de l’industrie), de la politique, de la poésie (Shakespeare, Milton, Young, Swift), de la philosophie empirique, relativiste et libérale (Bacon, Clarke, Locke), de la physique (Newton). Il continue à écrire des tragédies (Brutus, La Mort de César, Ériphyle, Zaïre, Adélaïde du Guesclin), commence la rédaction de l’Histoire de Charles XII et surtout des Lettres anglaises (futures Lettres philosophiques qui ne seront publiées qu’en 1734) dans lesquelles il fait l’apologie des idées nouvelles découvertes en Angleterre et où se manifeste son amour de la tolérance.
1729-1730 : De retour en France, il est choqué par la mort de la grande comédienne Melle Lecouvreur qu’il a aimée (elle jouait Jocaste dans Œdipe) et à laquelle l’Église refuse une sépulture (1730). Sa tragédie Brutus connaît un vif succès (1730).
1731: Publication clandestine de l’Histoire de Charles XII, œuvre mal accueillie par les conformistes en raison de ses idées libérales et aussitôt saisie puis interdite.
1732 : La tragédie Zaïre connaît un succès éclatant.
1733-1734 : Voltaire publie en 1733 Le Temple du goût (essai alerte de critique littéraire). Il se lie d’amitié avec Mme du Châtelet (femme savante cultivant les sciences aussi bien que la philosophie) qui l’accueille en son château de Cirey (en Lorraine) au moment de la parution en France des Lettres philosophiques (1734). L’ouvrage est brûlé sur décision du Parlement et l’auteur poursuivi par lettre de cachet. Voltaire restera dix ans à Cirey. Il commence à y rédiger son Discours sur l’Histoire universelle (qui deviendra l’Essai sur les Mœurs, publié en 1756), le Siècle de Louis XIV (publié en 1751) mais encore les Éléments de la philosophie de Newton ; le début de la Pucelle (poème burlesque) ainsi que de nouvelles tragédies comme Alzire (plaidoyer en faveur de la tolérance), Mahomet (pièce contre le fanatisme), Mérope (pièce grecque jouée en 1743) et une comédie, L’Enfant prodigue.
1736 : La publication du poème satirique Le Mondain provoque un scandale en raison de son ton impertinent. Voltaire s’exile un moment en Hollande.
1741-1744 : Accomplit plusieurs missions diplomatiques auprès de Frédéric II mais malgré l’amitié que lui manifeste le roi de Prusse, l’écrivain ne parvient pas à faire aboutir les négociations. Mahomet ou le fanatisme obtient un grand succès à Lille (1742) [mais la pièce est interdite à Paris]. Succès de Mérope, tragédie sévère et dépouillée (1743).
1745-1746 : Voltaire savoure sa consécration de grand écrivain. Il est nommé historiographe du roi (mars 1745) et “gentilhomme ordinaire”. Il est élu à l’Académie française (mai 1746). Le pape Benoît XIV accepte la dédicace de Mahomet.
1747-1748 : Se sentant quelque peu délaissé par le pouvoir (Louis XV ne l’aimait pas), Voltaire abandonne Versailles pour Sceaux, où la duchesse du Maine entretient sa propre cour. Il y compose Zadig ou la Destinée (son premier conte oriental) qu’il publie dès 1747 à Amsterdam puis à Paris en 1748 en même temps que l’on y joue sa tragédie Sémiramis.
1749 : La mort de sa grande amie (la femme qu’il a vraisemblablement le plus aimée) Mme du Châtelet – âgée seulement de quarante-trois ans – plonge Voltaire dans le désarroi.
1750-1753 : Voltaire essaie d’oublier sa peine en répondant à l’appel de Frédéric II (roi philosophe non-conformiste qui lutte comme lui contre les préjugés et le fanatisme) et qui éprouve à son égard une véritable admiration. Il est nommé chambellan à sa cour de Postdam. Voltaire se rend donc à Berlin où il demeurera trois ans. Il quittera précipitamment Frédéric II à la suite d’une stupide querelle. Publication du Siècle de Louis XIV (1751) et de Micromégas (1752).
1755-1756 : Après un séjour d’un an à Colmar, Voltaire s’installe près de Genève, dans son domaine des Délices, puis à Ferney. À 61 ans, une nouvelle vie commence pour ce nouveau “propriétaire” qui gère parfaitement sa terre sans pour autant délaisser les plaisirs de la société. Voltaire invite près de lui sa nièce Mme Denis qui sera, durant plus de vingt ans, à la fois sa gouvernante dévouée et sa maîtresse. Il rêve de fonder une abbaye de Thélème. La catastrophe du tremblement de terre de Lisbonne (1er nov. 1755) et les atrocités, en Europe, de la Guerre de sept ans (1756-1763) altèrent gravement la sérénité du philosophe. Voltaire publiera en 1756 son célèbre Poème sur le désastre de Lisbonne ainsi que l’Essai sur les mœurs. Il correspond avec J.-J. Rousseau et loue son Discours sur l’inégalité. Il reçoit d’Alembert, codirecteur de l’Encyclopédie et contribue à la rédaction de quelques articles (Histoire, Genève).
1757-1758 : Malgré de meilleures relations avec Frédéric II, Voltaire ne parvient pas à empêcher qu’une guerre éclate entre la Prusse et la France (vaincue à Rossbach). Poursuivi par la haine des pasteurs de Genève (pour ses contributions à l’Encyclopédie : articles Histoire et Genève, pour la publication (en 1755) de la première édition de La Pucelle (poème héroïque fort irrévérencieux envers Jeanne d’Arc), pour son “théâtre” des Délices, et pour bien d’autres imprudences encore dont la querelle avec J.-J. Rousseau (dont la Lettre à d’Alembert réfutait ses idées les plus chères), Voltaire doit quitter la Suisse pour se réfugier à Ferney dans le pays de Gex.
1759-1766 : Publication de Candide en janvier 1759 et du conte Jeannot et Colin en 1764. Rupture définitive avec J.-J. Rousseau (1760). Voltaire milite activement pour la tolérance et s’attaque à toutes les injustices. En 1763, il rédige le Traité sur la tolérance et, surtout en 1764, le Dictionnaire philosophique portatif dans lequel Voltaire traite de tous les problèmes qui le préoccupent (métaphysique, esthétique, politique, religion, idées sociales, projets de réformes administratives, économiques, judiciaires, etc.). Ce chef-d’œuvre constamment enrichi contiendra plus de 600 articles en 1772. Plus concrètement, il n’hésite pas à s’engager au péril de sa propre vie, réclamant la réhabilitation de Calas (protestant accusé à tort du meurtre de son fils puis torturé et exécuté). Il y parviendra en 1765. D’autres procès sont engagés : notamment pour la défense du protestant Sirven (1765), qu’il sauvera en 1771, pour la réhabilitation du jeune chevalier de La Barre condamné à mort et exécuté en 1766 pour impiété au passage d’une procession. D’autres affaires sont défendues par Voltaire qui dénonce les erreurs judiciaires : la famille Perra (de Lyon), le laboureur Martin de Bar, Montbailli et sa femme, etc.
1767-1775 : Publication de nouveaux contes : L’Ingénu (1767), La Princesse de Babylone (1768), L’homme aux quarante écus (1768), Histoire de Jenni (1775).
1778 : Retour (en février) à Paris après un éloignement de 27 ans ! Accueil triomphal des Parisiens, de l’Académie française et de la Comédie-Française où l’on représente Irène. Le lendemain de son arrivée, Voltaire reçoit trois cents visiteurs, échafaude encore de nombreux projets et s’épuise au travail. Après une brève maladie et vingt jours de lit, il s’éteint le 30 mai 1778.
Voltaire
l'Intellectuel engagé
Aujourd’hui, Voltaire serait sans aucun doute considéré comme un “écrivain engagé” et on lui appliquerait l’étiquette à la mode : “Intellectuel” qu’il n’apprécierait sans doute pas beaucoup car il n’était rien moins que pédant. Quoi qu’il en soit, il est indéniable que Voltaire fut, surtout à la fin de sa vie, “la conscience de l’Europe”.
Un esprit intrépide et curieux de tout
Sa jeunesse orageuse lui valut d’être “embastillé” à deux reprises, “bastonné” sur ordre du “brave chevalier de Rohan, assisté de six coupe-jarrets derrière lesquels il était hardiment posté”, exilé et sérieusement menacé. Il ne s’est jamais plaint de ces vicissitudes – qui ont parfois contribué à sa célébrité en renforçant son esprit d’indépendance, son goût du scandale, et sa tendance au persiflage – et, n’ayant pas un tempérament d’introverti, il n’a jamais, comme Rousseau, gémi sur ses malheurs ni rédigé des Confessions. Il préférait décidément le théâtre au journal intime.
Bien au contraire, chaque éloignement (forcé ou volontaire), chaque voyage à l’étranger, fut pour lui l’occasion de donner libre cours à sa curiosité et d’étudier les mœurs et les institutions des peuples qu’il découvrait. Ainsi ses trois années passées en Angleterre lui permirent d’apprendre la langue, de découvrir une société plus libérale et plus tolérante que la société française toujours marquée par l’esprit janséniste et l’autoritarisme, d’observer d’étranges sectes religieuses coexistant souvent sans se contrarier, de voir fonctionner une monarchie parlementaire, de s’initier aux nouvelles découvertes scientifiques (délaissant Descartes pour Newton), de mesurer – en bon “bourgeois gentilhomme” qu’il était – l’importance du commerce et de l’industrie naissante, de fréquenter les nouveaux philosophes qui mettent l’accent sur l’empirisme, les poètes et écrivains “à la mode”.
Il consigne soigneusement toutes ses observations et met en chantier plusieurs ouvrages pour en rendre compte sous des angles divers (essais satiriques, lettres philosophiques, pièces de théâtre, études historiques, etc.). Il a également apprécié la Hollande (terre de liberté) et ses habitants puis l’esprit nouveau que Frédéric II, ami des philosophes, tente de faire régner à Postdam.
Un provocateur né
Cet homme, que l’on présente comme un mondain vaniteux et comme un esprit rancunier (il est vrai que très souvent le pamphlet lui “montait à la tête” lorsqu’on avait eu le malheur de le provoquer), cet excentrique que l’on s’ingénia à représenter pour l’éternité sous les traits d’un vieillard grincheux et cacochyme, était au contraire doté d’une constitution robuste (en dépit de ses célèbres “coliques”, il vécut tout de même jusqu’à quatre-vingt-quatre ans !).
Cette surprenante vitalité lui permit d’affronter des épreuves que bien peu de ses semblables auraient été capables de surmonter, sans perdre jamais son ardent besoin de combativité pour soutenir les causes justes.
Il voyagea inlassablement à travers toute l’Europe, fréquentant les cours des plus grands rois, princes et empereurs (Louis XV, Frédéric II, Stanislas Leszczynski, Catherine II – qui voulait se l’attacher), n’hésitant pas à les “plaquer” quand il sentait qu’on ne l’appréciait pas autant qu’il l’aurait souhaité. Il est vrai qu’il tomba souvent en disgrâce à cause de ses audaces ou de ses impertinences. Mais il mettait à profit ces “pauses” forcées pour approfondir sa réflexion et produire de nouvelles œuvres à scandale qui l’exposaient chaque fois – il en était bien conscient – aux pires haines.
Un de nos écrivains les plus féconds
Son œuvre est d’une rare ampleur. Elle comprend pratiquement tous les genres littéraires connus : de l’épopée à la lettre en passant par la tragédie, la comédie, la poésie, la biographie, le roman, le conte, la philosophie, l’histoire (plus spécialement orientée vers la philosophie de l’histoire), l’étude des mœurs, les pamphlets, et autres libelles, sans parler de son immense correspondance.
Voltaire est véritablement le miroir de tout un siècle. Ce soi-disant “paresseux” était un travailleur acharné et cela ne l’empêchait pas d’apprécier la société et de s’entourer d’une véritable cour comme ce fut le cas à Ferney.
Les combats de Voltaire
Qu’il connaisse la gloire (dont il a si souvent éprouvé le caractère éphémère) ou qu’il soit en disgrâce et menacé, Voltaire ne cessera jamais de travailler et de produire des chefs-d’œuvre.
Cet ancien libertin a son franc parler. Il ne ménage pas plus les “grands” que les autres hommes lorsqu’il réprouve leurs théories ou leurs comportements. Même lorsque sa vie est en péril, et peut-être avec encore plus d’acharnement dans ces cas-là, il ne renonce pas à dénoncer les défauts ou les vices qu’il juge insupportables : la bêtise, l’hypocrisie, la cruauté, l’injustice, l’intolérance (surtout religieuse) et le fanatisme.
Voltaire est le contraire même du cynique sec et insensible auquel on a souvent voulu l’identifier. Il connaît parfaitement, par expérience, les hommes et leurs principaux défauts, mais il ne désespère toutefois pas de les améliorer. Sinon à quoi bon toute cette dépense d’énergie ? Il sait que le monde ne deviendra pas un “paradis terrestre” sur un simple coup de baguette magique ou grâce à ses combats personnels ; mais il croit, naïvement peut-être – comme son héros Candide – qu’il est possible de faire progresser la civilisation par l’exercice de la Raison.
Celui que l’on nommera le patriarche de Ferney n’aura de cesse de parvenir à faire comprendre l’horreur de certains jugements arbitraires et l’abomination de la torture ou de la peine de mort. Bien avant Zola, Voltaire s’insurge contre l’infamie des erreurs judiciaires surtout lorsqu’elles sont sciemment commises sous l’emprise du fanatisme. Il obtiendra, après de longues luttes, la révision de nombreux procès dont celui du malheureux Calas (qui le rendra célèbre) mais de bien d’autres encore.
Il souffrira véritablement de la conduite de ses semblables et Ferney sera la place forte d’où il combattra jusqu’à son dernier souffle en espérant faire de ce monde non pas “le meilleur des mondes possibles” mais un lieu où il fait bon vivre en toute indépendance et liberté. Voltaire a sans doute beaucoup de défauts dont la vanité mais ce “vieil enfant gâté” est incontestablement un homme de cœur avide de fraternité et de justice.
Voltaire aura la joie, juste avant de mourir, de revenir dans ce Paris qu’il aimait tant et qu’il avait depuis longtemps quitté par force pour constater que ses efforts n’ont pas été vains puisque le peuple de la capitale l’accueille triomphalement. Michel Pougeoise
© FRÉMEAUX & ASSOCIÉS/GROUPE FRÉMEAUX COLOMBINI SA, 2001
Voltaire victime de l’inégalité sociale ou “La raison suffisante”… n’est pas toujours la meilleure !
Comme son héros Candide, Voltaire fit très tôt connaissance avec l’injustice et la cruauté d’une société qui, en dépit d’apparences policées et raffinées, appliquait toujours la loi du plus fort si bien illustrée par La Fontaine dans sa fable Le Loup et l’Agneau. Il n’avait que trente et un ans lorsqu’il fut victime d’une mésaventure qui bouleversa brutalement le cours de sa destinée.
À la suite du succès triomphal de sa tragédie Œdipe (que ses contemporains comparèrent aux pièces du grand Racine), le jeune “poète”, célébré dans tous les salons de l’aristocratie parisienne, “se prit pour un prince” et crut qu’il pouvait se conduire comme tel. En décembre 1725, alors qu’il se trouvait à la Comédie dans la loge de son actrice préférée, Adrienne Lecouvreur, il fut présenté au chevalier de Rohan qui était alors l’un des plus hauts et des plus puissants personnages du Royaume. Le jeune ambitieux n’accorda pas au chevalier tout l’intérêt que celui-ci était en droit d’attendre de la part d’un simple “roturier”. Le chevalier de Rohan l’interrogea en le toisant :
– Arouet ? Voltaire ? Enfin avez-vous un nom ?
Furieux d’être ainsi traité, l’auteur d’Œdipe, lui rétorqua vivement :
– Voltaire ! Je commence mon nom et vous finissez le vôtre.
Suffoqué par une telle impertinence, le chevalier de Rohan brandit sa canne et s’avança vers l’insolent pour le corriger sur-le-champ. Voltaire riposta en tirant son épée. La comédienne s’évanouit fort à propos. On sépara de justesse les deux hommes. Trois jours plus tard, tandis que Voltaire dînait chez son ami le duc de Sully, on le fit appeler sous prétexte de lui annoncer une nouvelle importante. À peine fut-il dans la rue que trois vigoureux gaillards le rouèrent de coups.
Le chevalier de Rohan, bien installé dans son carrosse, observait cyniquement la scène en criant à ses valets :
– Ne frappez pas sur la tête, il peut en sortir quelque chose de bon !
Tout juste remis de ses contusions, Voltaire jura bien haut de venger l’injure et menaça même d’assassiner l’auteur de la bastonnade. Afin d’éviter un nouveau scandale et dans la crainte d’un attentat contre le chevalier, on procéda, dans la nuit du 17 avril 1726, à l’arrestation du poète pour l’envoyer à la Bastille où il avait déjà effectué un séjour. On l’en sortit quinze jours plus tard mais en lui intimant l’ordre de s’embarquer le soir même pour Londres. Cet exil durera trois ans.
Qu’est-ce qu’un conte philosophique ?
Le conte philosophique – très à la mode au XVIIIe siècle, et qui est un genre littéraire fort prisé de Voltaire – se distingue des autres contes, comme le conte de fées ou le conte fantastique, par son intention de soutenir des idées morales ou philosophiques avec une volonté polémique et sur un ton le plus souvent satirique.
Comme dans tous les contes, mais de façon peut-être plus sensible, les personnages du conte philosophique sont des êtres très schématisés – un peu semblables à des marionnettes – dotés de traits psychologiques simplifiés et symboliques. Ces “héros” de carton pâte sont emportés dans un tourbillon d’aventures plus rocambolesques les unes que les autres. Mais, ne nous y trompons pas, Voltaire, se sert de ces gentils pantins et de leurs mésaventures pour mettre en évidence - sous une forme d’autant plus saisissante qu’elle est caricaturale - ses idées et ses conceptions personnelles qui vont généralement à l’encontre des idées reçues. Il fait la satire des mœurs ridicules, du fanatisme. Il conteste avec virulence et énergie les thèses philosophiques alors en vogue. Son style est pétillant et malicieux rempli d’allusions piquantes, – parfois grivoises – d’aphorismes saisissants et de pointes acerbes destinées à fustiger ses “adversaires” et à stigmatiser leurs idées dans un style toujours alerte, empreint de verve et de bonne humeur.
La conception de Candide
Lorsqu’il compose Candide, dans le courant de l’année 1758 Voltaire est âgé de 64 ans, il souhaite plus que jamais jouir d’une retraite sereine. Son rêve serait d’avoir “le palais d’un philosophe avec les jardins d’Épicure”. Cet Eldorado, il pensait déjà l’avoir réalisé lorsqu’il s’installa aux portes de Genève aux “Délices” (ce nom n’était-il pas déjà tout un programme?). Il écrivait alors: “Ces délices sont à présent mon tourment. Nous nous sommes occupés Mme Denis et moi à faire bâtir des loges pour nos amis et nos poules. Nous faisons faire des carottes et des brouettes, nous plantons des orangers et des oignons… nous manquons de tout… Il faut fonder Carthage.” Malheureusement, il se fâche bientôt avec les pasteurs de Genève et préfère vivre dans le petit village de Ferney situé de l’autre côté de la frontière, en France. Il s’y installe au mois de novembre 1758 et y achève Candide.
Ce petit conte philosophique si distrayant et si léger en apparence est en réalité une sorte de testament philosophique. N’est-il pas grand temps pour Voltaire (qui croit toujours à sa mort prochaine, mais il lui reste encore vingt ans à vivre !) de dresser une sorte de bilan et d’essayer de donner un sens à sa vie ? “Qui suis-je, où suis-je, où vais-je, et d’où suis-je tiré ?” s’interroge-t-il encore dans le Poème sur le désastre de Lisbonne.
En fait, derrière Candide, il faut voir Voltaire lui-même comme l’a bien compris l’un de ses meilleurs biographes, Jean Orieux : “Ce livre, c’est lui ; jamais ouvrage ne fut à tel point l’image de son auteur. Il y a tout de sa pensée, de ses travers, de ses tics, il y a même la réponse à la lettre de J.-J. Rousseau sur la Providence. Cependant qu’il baigne dans les délices patiemment, raisonnablement, élaborés dans le travail et dans le luxe, il est hanté, révolté par le spectacle du monde qui l’entoure : le désastre de Lisbonne, la guerre de Sept Ans qui ravage l’Europe, le Canada, l’Inde ; la France est ruinée, l’Allemagne baigne dans le sang de toutes les armées européennes, les autodafés se rallument en Espagne et en Italie et leurs fumées comme un encens infernal obscurcissent le ciel du Siècle des Lumières. Voltaire se demande si son bonheur est une absurdité dans un tel monde, ou bien si l’absurdité réside dans la misère sans limites et sans raisons à laquelle le monde est en proie. […] De ce scandale universel et irrémédiable, il fit Candide”. (Voltaire, J. Orieux, éd. Flammarion).
Les infortunes de la vie privée
Plus qu’aucune autre, la vie de Voltaire ne fut qu’une succession d’épreuves et de déboires. Mais, tout d’abord, le jeune écrivain surdoué et flatté par une gloire aussi précoce qu’éphémère, avait la naïveté de son héros Candide. Dans son poème Le Mondain, publié en 1736, Voltaire fait l’apologie de la vie aisée et facile et pense que son époque est idéale pour savourer le bonheur. Ne clame-t-il pas en effet : “Ah ! le bon temps que ce siècle de fer” ou encore “Le Paradis terrestre est où je suis” et ne décrit-il pas – non sans quelque indécence – les plaisirs d’un jeune mondain épicurien et licencieux profitant de ce que les arts, le luxe et l’argent pouvaient procurer au XVIIIe siècle dans les milieux privilégiés ?
Cependant, très vite les désillusions vont survenir. Voltaire est trop avide de justice sociale, d’égalité, de liberté ; il déteste trop l’hypocrisie, la pédanterie, l’intolérance et le fanatisme pour être un bon courtisan. Son exceptionnelle lucidité et son extrême franchise l’inclinent tout naturellement à la polémique. Dès ses premières œuvres, il se montre souvent acerbe et impertinent. Il ne ménage personne dans ses pamphlets, libelles ou autres écrits satiriques. Ses grandes œuvres comme l’Histoire de Charles XII, les Lettres philosophiques, Le Siècle de Louis XIV, ou L’Essai sur les mœurs, le Dictionnaire philosophique – sans parler des Contes – contiennent tous une large part de satire sociale, politique et religieuse. Aussi dérange-t-il toujours et crée-t-il inévitablement le scandale.
Ses nombreux ennemis le harcèlent impitoyablement de leur haine farouche. On ne veut le punir de son anticléricalisme viscéral. Comme son héros Candide, Voltaire connaît la prison, les bastonnades, les menaces. Il est sans cesse contraint à l’exil et à la fuite. Après la Hollande, il se réfugiera en Angleterre puis à Cirey et à Genève avant de s’arrêter à Ferney. On interdit la parution de ses œuvres majeures et, comme dans Candide, on brûle ses livres. On lance contre lui des lettres de cachet, il reçoit force menaces.
Si l’on excepte les premiers enthousiasmes mondains qui cessèrent dès 1626, Voltaire ne connaîtra de repos qu’à Cirey auprès de sa tendre amie Mme du Châtelet mais cette halte elle-même sera très provisoire. Son égérie – la seule femme qu’il ait sincèrement aimée – le trompe avec St-Lambert. Il pardonne à sa “déesse” mais celle-ci a le mauvais goût de mourir prématurément. Il se remettra difficilement de cette perte irrémédiable.
Pour un temps, Voltaire pensera encore avoir découvert le paradis terrestre à la cour de Frédéric II, le “prince philosophe”, qui se disait son ami intime et en qui il avait placé tous ses espoirs. Mais son impertinence entraînera une cruelle et définitive disgrâce. Il croit encore trouver le bonheur en Suisse où il s’installe en 1755 dans cette charmante demeure qu’il nomme si intentionnellement “Les Délices”.
Mais une brouille éclate avec les sévères pasteurs protestants de Genève. Ces derniers lui reprochent l’article Genève de l’Encyclopédie (rédigé en fait par d’Alembert mais d’après les notes de Voltaire). D’autre part, ces braves pasteurs exècrent le théâtre, notamment sa pièce si scandaleuse, La Pucelle, (publiée, il est vrai, contre le gré de son auteur). En outre, Voltaire est encore persécuté pour ses sympathies envers les Encyclopédistes. Il se fâche avec Rousseau qui s’en prend à ses idées les plus chères et attaque le théâtre avant de rompre avec ses anciens amis philosophes au moment même où ils sont victimes des plus vives persécutions. Voltaire décide de renoncer aux Délices et part pour Ferney où il achèvera sa vie.
Le tremblement de terre de Lisbonne
Le 1er novembre 1755, à la stupéfaction de tout le “monde civilisé”, un effroyable tremblement de terre anéantit entièrement la ville de Lisbonne. Dans les décombres, on compte près de 50.000 victimes. C’est la plus grande catastrophe naturelle depuis la destruction d’Herculanum et de Pompéi. Voltaire est terrifié, véritablement bouleversé durant plusieurs jours. Tout son être se révolte. Il ne peut admettre qu’un Dieu tout-puissant et aimant ses créatures puisse tolérer un tel dérèglement de son univers, causant les souffrances et la mort de tant de créatures innocentes. Il s’exclame : “Voilà un horrible argument contre l’optimisme”. Il écrit à son ami d’Argental: “Le “Tout est bien” de Pope est un peu dérangé et je n’ose plus me plaindre de mes coliques”. Cela remet en question la conception chrétienne de la bonne Providence.
D’un point de vue philosophique, et plus spécifiquement métaphysique, les thèses “optimistes” soutenues par Leibniz dans sa Théodicée, selon lesquelles “Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles” se trouvent sérieusement affaiblies. Dans Candide, le stupide docteur Pangloss sera le porte-parole de ces thèses. Il se rend ridicule par son optimiste obstiné sans cesse démenti par les faits. Voltaire ne se prive pas du procédé comique qui consiste en la répétition mécanique de l’invariable formule. À propos du tremblement de terre de Lisbonne auquel il est fait allusion (car l’originalité et l’intérêt de Candide est d’évoquer des faits historiques réels), Pangloss fera cette stupéfiante déclaration : “Tout ceci est ce qu’il y a de mieux. Car, il y a un volcan à Lisbonne, il ne pouvait être ailleurs ; […] car tout est bien”.
Voltaire, écrit encore son célèbre Poème sur le désastre de Lisbonne ou examen de cet axiome : “Tout est bien”. Il faudrait en citer tous les vers tant ils sont émouvants. Ils traduisent admirablement l’horreur, l’abomination de cette catastrophe. On comprend, à la lecture de cette œuvre, pourquoi elle vaudra à son auteur les foudres de l’Église catholique :
Vous criez : “Tout est bien” d’une voix lamentable,
L’univers vous dément, et votre propre cœur
Cent fois de votre esprit a réfuté l’erreur.
Éléments, animaux, humains, tout est en guerre.
Il le faut avouer, le mal est sur la terre :
Son principe secret ne nous est point connu.
De l’auteur de tout bien le mal est-il venu ? […]
Mais comment concevoir un Dieu, la bonté même,
Qui prodigua ses biens à ses enfants qu’il aime,
Et qui versa sur eux les maux à pleines mains ? ”
Dans sa Préface à ce Poème, Voltaire suggère malicieusement une autre idée pernicieuse : “Si tout est bien disait-on, il est donc faux que la nature humaine soit déchue.”
La Guerre de Sept ans
Enfin, un autre événement désastreux que nous retrouverons dans Candide, justifie le pessimisme de Voltaire. Depuis 1756, une guerre terriblement dévastatrice ensanglante toute l’Europe. Il s’agit de la Guerre de Sept ans. La France, renversant ses alliances – malgré l’intervention de Voltaire qui s’improvisa ambassadeur de Frédéric II – combat la Prusse avec l’aide de l’Autriche. Nous sommes également en guerre sur mer avec l’Angleterre pour des rivalités coloniales. La Suède et la Russie se joignirent aux deux alliés. Les combattants s’épuisent en batailles inutiles et meurtrières.
Voltaire s’insurge contre cette “boucherie héroïque” qui profitera finalement à la Prusse et à l’Angleterre en 1763 : “Un million d’assassins enrégimentés, courant d’un bout de l’Europe à l’autre, exerce le meurtre et le brigandage avec discipline pour gagner son pain, parce qu’il n’y a pas de métier plus honnête.” (Candide, ch. 20)
La sagesse de Candide
On le voit, tout concourt à prouver l’absurdité de la condition humaine et de ce monde que Voltaire ne perçoit plus à présent comme un “paradis terrestre” mais bien comme “un petit enfer”. Que fait Dieu pour soulager nos maux ? Et pourquoi même tolère-t-il le mal ? Pourquoi les hommes sont-ils aussi fanatiques et cruels ? Le poète-phisosophe s’indigne : “L’homme étranger à soi, de l’homme est ignoré.” (Poème sur le désastre de Lisbonne)
Et cependant, ce serait commettre une erreur de penser que Voltaire se résigne. Bien au contraire, il pense que chaque honnête homme doit, comme lui, se battre pour dénoncer partout le mal sous toutes ses formes et le faire reculer. Si tout discours métaphysique lui paraît désormais inutile, Voltaire pense qu’il est de notre devoir de lutter pour un monde meilleur.
Telle est bien la “sagesse positive” préconisée par Candide lui-même lorsqu’il tire la leçon de ses mésaventures en déclarant qu’“il faut cultiver notre jardin”. Et c’est ce que s’efforce de faire Voltaire lui-même, à Ferney. Sans parler de ses luttes contre l’injustice et pour la réhabilitation des Calas et autres victimes de l’Inquisition et du fanatisme religieux, Voltaire fait de Ferney un village prospère. Il cultive réellement sa terre (on l’a vu à soixante dix sept ans s’efforcer de labourer son champ !).
Plus sérieusement, il encourage l’agriculture, plante des noyers et des châtaigniers, assèche les marécages insalubres, élève des vers à soie dans sa magnanerie, tisse lui-même la soie, fabrique des bas (il fera cadeau des premiers bas de soie à la duchesse de Choiseul). Surtout, il attire les ouvriers horlogers chassés de Genève par Calvin et crée une industrie horlogère prospère dans son village. Pour Voltaire, comme pour Candide, le travail est le souverain remède de tous les maux.
Les circonstances de la publication
Utiles précautions
Habitué au scandale qui ne manque presque jamais de surgir lorsqu’il fait paraître une œuvre nouvelle, Voltaire est bien résolu à prendre un maximum de précautions au moment de publier Candide.
Il sait que ce conte est une véritable petite bombe à retardement parce qu’il y choque les bonnes mœurs et attente aux dogmes les plus sacrés de la religion. Il craint par conséquent tout particulièrement les réactions de l’Église.
D’où l’emploi de quelques procédés fort habiles afin d’échapper aux éventuelles poursuites. Et il est certain qu’à cette époque Voltaire risquait gros : au minimum son ouvrage serait brûlé, mais il pouvait lui-même risquer la prison ou pis encore.
Dès la parution du conte, Voltaire (le menteur !) déclare haut et fort qu’il serait ridicule de lui en attribuer la paternité et que cette “mauvaise plaisanterie sur tous les pays et sur tous les usages” est tout à fait indigne de lui. Pour donner complètement le change à ses détracteurs, il s’amuse à inventer une histoire totalement invraisemblable qui, à la vérité, n’abusera personne. Candide ou l’Optimisme est présenté comme un conte traduit de l’allemand par un certain Docteur Ralph, “professeur très connu dans l’Académie de Francfort-sur-l’Oder”. Le sous-titre précise en outre : “avec les additions qu’on a trouvées dans la poche du docteur, lorsqu’il mourut à Minden, l’an de grâce 1759”. Le véritable auteur de Candide serait – sous toutes réserves – un certain M. Démad, “capitaine dans le régiment de Brunswick”.
En mars 1759, Voltaire écrit à ses amis Formey et Thériot : “Dieu me garde d’avoir eu la moindre part à cet ouvrage” et, dans une autre lettre datée du même mois, il fait mine de s’indigner : “J’ai lu enfin Candide ; il faut avoir perdu le sens pour m’attribuer cette coïonnerie ; j’ai, Dieu merci de meilleures occupations.”
Un immense succès populaire
Mais, en privé, il s’inquiète de la manière dont on accueille ce véritable “pavé dans la mare” qui aborde avec tant d’esprit, d’humour, d’ironie et d’apparente frivolité les plus graves problèmes de l’époque. Le duc de La Vallière, son ami, satisfait sa curiosité : “Le docteur Ralph s’est donc fait mettre sous la presse, et Candide a paru il y a huit jours. Jamais peut-être livre ne s’est vendu avec plus de vivacité. On le trouve charmant, l’on vous nomme, je nie, et l’on ne me croit pas. […] Mangeons du jésuite est déjà un proverbe.”
Le duc dit vrai, dès sa parution, ce petit conte qui fera tant – et à juste titre – pour la postérité du grand Voltaire, bat tous les records de vente. Chacun veut l’avoir lu. Un tel succès de librairie nous surprend encore de nos jours. On a dénombré plus de quinze éditions dès la première année, ce qui représente environ 20.000 exemplaires. C’est tout à fait prodigieux au XVIIIe siècle. Du vivant de Voltaire, Candide sera réédité une cinquantaine de fois !
Une censure impuissante
Mais, comme le craignait Voltaire, les condamnations ne se firent pas attendre, surtout de la part des jésuites que Voltaire ne ménageait pas puisqu’il les accusait d’exercer au Paraguay un pouvoir despotique et corrupteur et de mener un jeu politique pour le moins ambigu envers les rois d’Espagne et du Portugal (“Los Padres y ont tout, et les peuples rien ; c’est le chef-d’œuvre de la raison et de la justice. Pour moi, je ne vois rien de si divin que Los Padres, qui font ici la guerre au roi d’Espagne et au roi du Portugal, et qui en Europe confessent ces rois ; qui tuent ici des Espagnols, et qui à Madrid les envoient au ciel : cela me ravit…” (Candide, chap. XIV). La censure, relativement modérée à Paris, est particulièrement virulente à Rome et à Genève où l’ouvrage est immédiatement condamné et interdit. Mais les éditeurs passent outre et diffusent le conte clandestinement (“sous le manteau”).
L'Acutualité de Candide
Ce qui nous étonne peut-être le plus lorsque nous réécoutons Candide, c’est son étonnante actualité. La lucidité de Voltaire nous paraît proprement extraordinaire. Deux siècles et demi plus tard, ce conte n’a pas pris une seule ride et a conservé toute sa fraîcheur stylistique. La satire demeure cinglante et l’ironie fait toujours ressortir l’éternelle stupidité et la barbarie de l’humanité.
Il suffit de lire les nouvelles dans un quotidien ou de suivre les actualités télévisées pour voir confirmées toutes les vues pessimistes de Voltaire. Qui pourrait malheureusement prétendre que les choses se soient arrangées et que nous vivons dans un monde meilleur ? En dépit du “progrès” dont nous sommes bien revenus à la fin du sombre XXe siècle, nous trouvons toujours aux prises avec les mêmes problèmes. Les journaux et la télévision déversent en permanence leur lot de misères si peu différentes de celles que dénonçait Voltaire : peuples asservis, régimes tyranniques, guerres civiles, emprisonnements, tortures, massacres, attentats. Le fanatisme et l’intolérance religieuse sévissent toujours… Cette liste peut aisément être complétée et nous sommes encore impuissants face aux catastrophes naturelles. Les problèmes du mal, de l’absurdité de la condition humaine ainsi que la question de la possibilité d’un avenir meilleur… restent toujours posés.
La solution de sagesse proposée par Voltaire ne semble-t-elle pas encore la plus raisonnable, au moins au niveau individuel ? Sans aucun doute Candide est encore brûlant d’actualité. Ce conte nous concerne directement. Il nous incite gravement à réfléchir. Bravo, Monsieur de Voltaire !
Candide ou la quête du bonheur
Le héros du Conte, Candide, porte bien son nom car “il a le jugement assez droit, avec l’esprit le plus simple”. Neveu d’un baron de Westphalie, il reçoit une éducation raffinée. Son précepteur, Pangloss lui enseigne que “Tout est au mieux” et que nous vivons dans le meilleur des mondes possibles. Cependant Candide sera bien vite arraché à son château natal et à sa bien-aimée Cunégonde, fille du baron. Véritable jouet du destin, Candide semble victime d’un mauvais sort qui le poursuit en dépit de sa générosité naturelle. Ce sympathique héros est pris dans un engrenage infernal qui lui fait parcourir le monde afin d’échapper à toutes sortes de malheurs et de persécutions. Partout il se trouve en proie à la barbarie des hommes, à la guerre civile, aux catastrophes naturelles (tremblement de terre de Lisbonne, tempête en mer…), aux maladies (peste, vérole), à l’Inquisition et à ses supplices, à l’anthropophagie, au despotisme, à l’esclavagisme, etc. Un seul instant il découvrira une société idéale en Eldorado – “ pays de l’or ” – que le narrateur situe en Amérique du Sud. De retour en Europe (France, Angleterre, Italie, Turquie), Candide retrouve le mal et son cortège de maux (oppression, piraterie, luxure, prostitution, mensonge, hypocrisie, orgueil… sans oublier l’oisiveté qui engendre, pour sa part, les “convulsions de l’inquiétude” et la “léthargie de l’ennui”).
Fort de toutes ces expériences malheureuses, Candide renonce finalement à ses illusions – refuse d’écouter l’invariable discours de Pangloss – et ne veut d’ailleurs plus se livrer à aucune spéculation métaphysique. Sur les conseils d’un sage vieillard turc il s’installe sur la Propontide où il a acheté une métairie qu’il fera prospérer avec Cunégonde – miraculeusement retrouvée et épousée – et avec quelques amis sûrs (dont Martin, philosophe manichéen pessimiste et Cacambo, son serviteur fidèle et dévoué). Il pense que la seule sagesse est de “cultiver son jardin”, autrement dit, de travailler “sans raisonner” car “c’est le seul moyen de rendre la vie supportable”. N’est-ce pas ce que Voltaire s’efforce de mettre lui-même en pratique en bon seigneur terrien de Ferney ?
Michel Pougeoise
© FRÉMEAUX & ASSOCIÉS/GROUPE FRÉMEAUX COLOMBINI SA, 2001
Qu’est-ce que l’optimisme ?
• Selon l’étymologie, optimisme est un dérivé savant formé à partir de l’adjectif latin optimus qui signifie “le meilleur” auquel on a joint le suffixe -isme.
• De nos jours, nous employons couramment le nom optimisme, par opposition à pessimisme pour désigner une “tournure d’esprit qui dispose à prendre les choses du bon côté, en négligeant leurs aspects fâcheux”. (Le Robert)
• On oublie qu’à l’origine le mot optimisme fut créé pour désigner la doctrine philosophique que Leibniz soutient dans sa Théodicée et selon laquelle “tout est au mieux dans le meilleur des mondes possibles”. C’est bien en ce sens que Voltaire emploie choisit le terme optimisme comme sous-titre de son conte Candide. Il se propose en effet de réfuter – essentiellement par l’ironie – cette théorie philosophique qui heurte profondément ses conceptions morales. Pour Voltaire, tout semble en effet prouver que le monde ne va pas bien du tout. On commet souvent une grave erreur : Leibniz n’a jamais nié l’existence du mal. Il pense seulement que le bien l’emporte sur le mal. En outre, pour Leibniz, toute création est préférable au néant et perfectible. Voltaire lui-même déforme donc (sans doute sciemment et pour donner plus de force à sa satire) la théorie de Leibniz lorsqu’il fait dire à Pangloss que, puisque tout est bon, le mal n’existe pas.
Du meilleur des mondes
“Je leur parlai des calamités et des crimes innombrables qui couvrent cet excellent monde. Le plus intrépide d’entre eux, qui était un Allemand, mon compatriote, m’apprit que tout cela n’est qu’une bagatelle.
“Ce fut, dit-il, une grande faveur du ciel envers le genre humain que Tarquin violât Lucrèce, et que Lucrèce se poignardât : parce qu’on chassa les tyrans, et que le viol, le suicide, et la guerre, établirent une république qui fit le bonheur des peuples conquis.”
J’eus peine à convenir de ce bonheur. Je ne conçus pas d’abord quelle était la félicité des Gaulois et des Espagnols, dont on dit que César fit périr trois millions. Les dévastations et les rapines me parurent aussi quelque chose de désagréable ; mais le défenseur de l’optimisme n’en démordit point ; il me disait toujours comme le geôlier de don Carlos : Paix, paix, c’est pour votre bien. Enfin, étant poussé à bout, il me dit qu’il ne fallait pas prendre garde à ce globule de la terre, où tout va de travers, mais que dans l’étoile de Sirius, dans Orion, dans l’œil du Taureau, et ailleurs, tout est parfait. “Allons-y donc”, lui dis-je.
Un petit théologien me tira alors par le bras ; il me confia que ces gens-là étaient des rêveurs, qu’il n’était point du tout nécessaire qu’il y eût du mal sur la terre, qu’elle avait été formée exprès pour qu’il n’y eût jamais que du bien. “Et pour vous le prouver, sachez, me dit-il, que les choses se passèrent ainsi autrefois pendant dix ou douze jours. – Hélas ! lui répondis-je, c’est bien dommage, mon révérend père, que cela n’ait pas continué.”
(Voltaire, Le Philosophe ignorant, chap. XXVI).
Les bons mots
Qu’est-ce qu’optimisme, disait Cacambo.
— Hélas ! dit Candide, c’est la rage de soutenir que tout est bien quand on est mal. (Candide XIX)
L’optimisme béat est un état analogue à celui de l’esclave qui se trouve heureux, du malade qui ne sent pas son mal... (J.-M. Guyau)
L’optimiste affirme que nous vivons dans le meilleur des mondes possibles ; le pessimiste craint que cela ne soit vrai. (J. Cabell)
Le pessimisme est d’humeur ; l’optimisme est de volonté. (Alain)
Je suis pessimiste de l’intelligence, mais optimiste par la volonté. (A Gramsai)
L’optimisme serait une erreur, si l’homme n’était point perfectible, s’il ne lui était donné d’améliorer par la science l’ordre établi. (Renan)
L’optimisme m’est toujours apparu comme l’alibi sournois des égoïstes, soucieux de dissimuler leur chronique satisfaction d’eux-mêmes. Ils sont optimistes pour se dispenser d’avoir pitié des hommes, de leur malheur. (Bernanos)
L’optimisme est une fausse espérance à l’usage des lâches et des imbéciles. (Bernanos)
L’optimisme est une forme supérieure de l’égoïsme. (A. Philippide)
Optimisme : succédané synthétique du bonheur naturel. (G. Elgozy)
Ecouter CANDIDE ou L’optimiste - VOLTAIRE lu par JEAN TOPART (livre audio) © Frémeaux & Associés. Frémeaux & Associés est l'éditeur mondial de référence du patrimoine sonore musical, parlé, et biologique. Récompensés par plus de 800 distinctions dont le trés prestigieux Grand Prix in honorem de l'Académie Charles Cros, les catalogues de Frémeaux & Associés ont pour objet de conserver et de mettre à la disposition du public une base muséographique universelle des enregistrements provenant de l'histoire phonographique et radiophonique. Ce fonds qui se refuse à tout déréférencement constitue notre mémoire collective. Frémeaux & Associés - La Librairie Sonore est partenaire de Radio France, Radio France Internationale, L’Institut National de l’Audiovisuel, l’Assemblée Nationale, l’Historial de la Grande Guerre, le Mémorial de Caen et assure l’édition sonore d’ouvrages en accord avec les ayants droit ou les successions ainsi que les grands éditeurs (les éditions Gallimard, Grasset, Plon, Le Seuil,…). Le texte lu, l'archive ou le document sonore radiophonique, le disque littéraire ou livre audio, l'histoire racontée, le discours de l'homme politique ou le cours du philosophe, la lecture d'un texte par un comédien (livres audio) sont des disques parlés appartenant au concept de la librairie sonore. (frémeaux, frémaux, frémau, frémaud, frémault, frémo, frémont, fermeaux, fremeaux, fremaux, fremau, fremaud, fremault, fremo, fremont, CD audio, 78 tours, disques anciens, CD à acheter, écouter des vieux enregistrements, cours sur CD, entretiens à écouter, discours d'hommes politiques, livres audio, textes lus, disques parlés, théâtre sonore, création radiophonique, lectures historiques, audilivre, audiobook, audio book, livre parlant, livre-parlant, livre parlé, livre sonore, livre lu, livre-à-écouter, audio livre, audio-livre, lecture à voix haute, entretiens à haute voix, parole enregistrée, etc...). Les livres audio sont disponibles sous forme de CD chez les libraires, dans les fnac et virgin, en VPC chez La Librairie Sonore, Audio-archives, Livraphone, Lire en tout sens, Livre qui Parle, Mots et Merveilles, Alapage, Amazon, fnac.com, chapitre.com etc.....Enfin certains enregistrements de diction peuvent être écouter par téléchargement auprès d'Audible (Audio direct - France loisirs) et d'iTunes (iStore d'Apple) et musicaux sur Fnacmusic.com, Virginméga et iTunes.