« Chefs-d’œuvre fulgurants » par Jazz Classique

Sous la pression de Guy Chauvier et pour que la chronique paraisse à temps, j’écouterai ce coffret dans l’avion. Tout droit être écrit avant notre arrivée à Bangkok même si le ventre nu des hôtesses sri lankaises me perturbe quelque peu. Le livret de quarante-huit pages, assorti de trente-trois photos, me remet vite les idées en place et force le respect : il ne s’agit pas d’un travail d’amateur ! Son auteur, Jean Buzelin, récidive avec ce vol. 2 peut-être encore plus achevé que le vol. 1 de 1995 (où la totalité des textes n’avait pas été traduit en anglais) et qui traitait des origines. Ici, nous abordons la « Boogie Woogie Craze » - la Folie du Boogie Woogie – époque où un orchestre qui ne jouait pas le boogie prenait le risque insensé d’être profondément ridicule. D’entrée, les spécialistes du style nous assènent quelques chefs-d’œuvre fulgurants : Pete Johnson avec Kaycee Feeling, Albert Ammons avec Albert’s Special Boogie, Meade Lux Lewis avec Medium Boogie. Mais le mérite de Jean Buzelin est de nous présenter cette époque historique dans son ensemble, ce qui sous-entend bien sûr quelques moments difficiles vite oubliés : Gene Rodgers (G.R. Boogie) ou Erskine Butterfield (Boogie Woogie Barcarolle) nous montrent que le boogie woogie leur est aussi impénétrable que la physique nucléaire pour votre boulangère. Rien de grave, Jimmy Yancey, Sammy Price, Jay McShann, Roosevelt Sykes, Lloyd Glenn sont éblouissants et puis les grands pianistes de jazz Nat King Cole, Art Tatum ou Erroll Garner qui n’ont pas voulu rater le coche donnent au boogie une coloration différente, le plus original étant Earl Hines avec son étonnant Boogie Woogie On St Louis Blues. Bien sûr, l’amateur achètera ce coffret historique et ses quarante-deux titres. Si par mégarde vous aviez oublié de vous procurer le vol. 1, sachez qu’il est toujours en vente et tout aussi excellent. Enfin, un scoop : le vol. 3, toujours concocté par Jean Buzelin, est déjà prêt et son livret sera aussi copieux que les deux précédents. Nous guetterons fébrilement sa sortie. Un grand bravo à Jean pour son travail exemplaire. Merci à Frémeaux de s’intéresser à cette musique honteusement oubliée.
Jean-Paul AMOUROUX – JAZZ CLASSIQUE