Don Chamané par Une Autre chanson (Quartier Latino)

Raul Barboza est issu de parents guaranis, descendants de ces indiens éternellement à la recherche de la "Tierra sin mal", le paradis, et qui partaient en longs cortèges de migrants, conduits généralement par un nouveau prophète et dont le nombre s'amenuisaient au fur et à mesure des difficultés du chemin ou des massacres dont ils étaient souvent victimes de la part des gouvernements des provinces traversées. Sans atteindre la terre rêvée. De cette filiation, de ces longues errances, de ce contact avec les éléments, il a gardé, entretenu, cet esprit tellurique omniprésent dans sa musique. Un vent qui n'est pas de l'Atlantique sur les côtes de Bretagne, où ces temps-ci Eole semble avoie élu domicile, envahit et la scène et la salle de la Trastienda, à Buenos Aires. On raconte qu'il arrive de la province du Corrientes, depuis les confins du Brésil, du Paraguay et de l'Uruguay. Il porte les galops des chevaux, les voix des arbres, les chants des milliers d'oiseaux aux couleurs chaudes, les milliards de gouttes d'eau de cascades à donner le vertige. Il distribue les orages et les silences de la pampa. Il claque comme le fouet, garde le rythme des danseurs de bolas. Il développe contes et légendes ou raconte une histoire sur le ton de la conversation, passant de l'intime, du confidentiel à un enthousiasme maîtrisé. C'est le vent du chamané sous les doigts de Raul Barboza, sur les touches de ses accordéons, diatonique ou chromatique. Et quand la pluie arrive à ses oreilles, dense, drue, serrée, ne vous y trompez pas, ce que vous entendez là, ce sont les applaudissements du public de ce concert d'un mois de Décembre, en 2001, à Buenos Aires. Qui le fait identifier par le journal Clarin à "Un prophète en son pays". Et dire à Barboza au quotidien La Nacion "En réalité je ne suis jamais parti! Je suis allé en France qui m'a ouvert ses portes, mais mon sang est ici". Ce jour-là, il y avait également de la Polka dans l'air, emportée par un "Tren expreso", et nous sommes en Argentine, de la milonga, ancêtre du Tango. Et, cette chanson qui disait "la cultura es la sonrisa/que acaricia la cancion": "la culture est un sourire/qui caresse la chanson". Cherche-t-on des clefs de cette musique, on la trouve peut-être dans ces propos de Barboza :"De mas ancêtres, j'ai appris à faire en sorte que l'accordéon devienne la continuation de mon esprit qui n'utiliserait pas la parole comme moyen d'expression". Alors quelle meilleure recommandation que celle d'Astor Piazzola qui a dit: "Je ne sais absolument rien du chamané, j'ai seulement entendu Raul Barboza le jouer et j'en arrive à la conclusion que, comme dans toute musique, quand elle est très bien jouée - c'est le cas de Raul Barboza-, il n'y a pas besoin de la connaître. (...) Raul Barboza n'est pas un commerçant comme la plupart de ceux qui jouent un chamané ancien et médiocre. C'est un lutteur et il mérite mon estime et mon admiration". "Raulito el mago" (Petit Raoul le magicien) quand il avait neuf ans, Barboza est devenu "Don Chamané", maître dans l'art de l'improvisation. Improvisation : c'est le sens du mot chamamé! Gérard CLERY - UNE AUTRE CHANSON (QUARTIER LATINO)