« Paul-Emile Victor au Groenland » par Arts et Métiers Magazine

Treize ans après sa première expédition avec le commandant Charcot, le célèbre explorateur ethnographe repart à la conquête du Groenland, du 14 mai au 13 octobre, avec une équipe de 27 hommes. Le 14 mai 1948, à 6h30, le « Force », un caboteur norvégien, appareille du port de Rouen avec à son bord 90 tonnes de matériel. Il embarque 7 véhicules à chenilles amphibies, 14 traineaux en duraluminium, 3 cabines de laboratoires scientifiques, des caisses et des vivres pour six mois. Le tout a été acheminé depuis Paris par 35 camions de l’armée. Paul-Emile Victor, le fondateur des expéditions polaires françaises en 1947, dirige cette mission d’envergure subventionnée au Groenland. Il part avec 27 compagnons. Parmi eux, des scientifiques - gravimétristes, géophysiciens, glaciologue, météorologiste, topographe – mais aussi le journaliste Georges de Caunes, de la Radiodiffusion. Les préparatifs ont duré six mois. Le départ a lieu du quai même où Paul-Emile Victor était revenu en 1935, à bord du fameux « Pourquoi pas ? » du commandant Charcot, de sa première expédition au Groenland, qui avait duré un an. […] Le 28 mai, le « Force atteint Godthaab, la capital du pays blanc. Les explorateurs doivent progresser au-delà de 71 degrés de latitude Nord. Le bateau fait escale de nuit à Jakobshavn, et repart à 5 heures vers Port-Quervain, dans la baie de Disko, où il est prévu de débarquer et transporter le matériel sur l’immense désert de glace qu’on appelle Inlandsis. Le 1er juin, le « Force » s’immobilise en face d’un glacier, l’Equip Sermia. PEV et cinq de ses équipiers font une reconnaissance à pied durant 40 heures. Une semaine plus tard, tout a pu être débarqué en cinq jours avec l’aide de quinze esquimaux. Un treuil de 70 m hisse le matériel à 50 m au dessus du niveau de la mer. Ce sera le camp I. Le « Force » peut repartir pour une campagne de pêche en islande. Seuls deux problèmes à déplorer : un petit véhicule chenillé Weasel a coulé au fond de la mer et une vedette a basculé sous la poussée de la marée causée par une partie de glacier qui s’est effondrée. L’équipe entreprend de tracer une voie carrossable de 8km qu’elle balise de cairns peints en rouge, pour les voir dans la brume. Le camp II est installé parmi des nuées de moustiques, puis le camp III plus loin, sur une calotte de glace. Les explorateurs ont réussi à monteur les 150 kg d’une roue de téléphérique en haut d’une falaise et à la faire fonctionner. Les scientifiques s’activent dans leurs études. PEV part de nouveau en reconnaissance avec des équipiers le 28 juillet ; le lendemain un convoi s’ébranle avec trois traîneaux tirés par des véhicules. Un camps III bis sert de base à de petites reconnaissances. Après sept jours d’explorations, révélant un grand nombre d’obstacles dus à la fonte des neiges, le décision est prise de ne pas forcer le passage. Le travail scientifique occupe les journées. On pense aussi à la prochaine expédition  de 1949. Des jalons sont posés pour tracer une autre piste. […] Le 7 août, Paul-Emile Victor et un de ses équipiers regagnent la France à bord d’un aviso. Ils veulent assister l’équipe qui prépare une nouvelle expédition pour l’Antarctique. Pendant ce temps, au Groenland, le matériel est démonté, enduit de graisse empaqueté pour attendre sur place la prochaine équipée. Deux tonnes de matériel scientifique et d’ustensiles du quotidien vont être déplacées à pied et stockées sur le camp I. Le 22 septembre, un bateau norvégien rejoint les hommes restés sur place pour les ramenés à Rouen. Ils y sont accueillis le 13 octobre par les représentants de la municipalité, le consul du Danemark, la presse, et une foule d’anonymes. Le célèbre explorateur ethnographe organisera par la suite une trentaine de missions en Arctique et en Antarctique jusqu’en 1976. Nathalie DES GAYETS – ARTS ET METIERS MAGAZINE