« Rêvons à rebours » par Jazzman-Jazzmag

Ce sixième volet de l’intégrale Sister Rosetta Tharpe débute en décembre 1957 au Free Trade Hall de Manchester où, lors d’une tournée européenne de près de cinq mois, la chanteuse-guitariste est accompagnée par l’orchestre du tromboniste Chris Barber qui la révèle à des auditoires britanniques encore étrangers aux holy roller singers de son abattage. Et qui ne s’entendent guère plus, en pleine déferlante du rock’n’roll, à la voir éclipser bien d’autres guitaristes en décochant son répertoire d’église avec le soutien d’un orchestre « trad » (dixieland). Barber a publié en 2008 ces dix titres live dans sa série « Lost & Found » (Classic Studio T) avec d’autres traces précieuses du temps des revivals dans ce qu’il eut de plus réparateur et vivifiant. Rosetta parle, chante et joue avec autant de naturel que de métier, son triomphe et éclatant. Auprès d’elle, plusieurs solistes sont à citer – Pat Halcox (tp), Monty Sunshine (cl), Barber. La prise de son est sommaire mais aussi bien transférée que possible. Si, dans quelques titres sans orchestre, la guitare de Rosetta est lointaine, jamais on ne l’oublie. Et Up Above My Head respire l’allégresse. Peu après, Rosetta assurait durant trois semaines la première partie de Charles Trenet au vieil Alhambra. Rêvons à rebours… L’autre « moment » de ce recueil tient dans les onze derniers titres du premier CD, enregistrés à la Church of God in Christ de New York, décor dans lequel Rosetta retrouve son public de base en septembre 1958, deux ans après avoir quitté Decca pour Mercury. Très beau Lord’s Prayer en duo, scansion de prédicatrice dans It’s Me, vigueur et pureté des voix dans Saviour Don’t Pass Me By, puis un Didn’t It Rain qu’électrise un solo de guitare. Le second CD regroupe des séances Omega et MGM bien pâles après les précédentes et destinées en partie à relancer Rosetta auprès du grand public, avec un certain succès du reste. Le tout s’achève heureusement par un excellent Precious Lord où la guitare remisée un moment, revient en majesté. Philippe BAS-RABERIN – JAZZMAN-JAZZMAG