* * * * Jazzmag-Jazzman : « une boulimie harmonique »

14 août 1947, premières faces de Miles sous son nom pour Savoy. C’est en partie lui qui va accaparer notre écoute. Il impose en tout cas le personnel de cette séance à Charlie Parker, remplaçant Duke Jordan et Tommy Potter qu’il n’apprécie guère par son ami John Lewis (p) et par Nelson Boyd (b), à la grande satisfaction d’un Max Roach encore un rien immature. Le répertoire est du trompettiste, motivé par une boulimie harmonique, notamment sur Milestone, dont il prendra l’exact contre-pied sur le Milestones de 1958, tandis que la découpe mélodique de Little Willie Leaps évoque les préoccupations rythmiques de Lennie Tristano. Il y a dans les phrasés répétés par Miles « à la maison » quelque chose de tout à la fois ingrat et élégant, affectés et gracieux, révélateur du lent développement de ce génie encore dans la chrysalide du bebop tout au long des faces Dial qui constituent la totalité du deuxième disque et les quatre cinquièmes du troisième (de Dexterity le 28 octobre 1947 à How Deep the Ocean le 17 décembre). Et Parker ? Pour des raisons contractuelles, il commence le premier disque au ténor, dévoilant combien son art est une façon de transformer la nonchalance de Lester Young en vivacité pure sans en trahir l’ADN. Mais dès qu’il reprend son quintette en main (avec Jordan et Potter), le transformant pour une séance en sextette avec J.J.Johnson, l’alto reprend ce vol brisé où la décontraction confine à l’affolement. On l’entendra également avec Dizzy Gillepsie au sein des Barry Ulanov’s All Stars des 13 septembre et des 8 novembre ou en quintette au Carnegie Hall le 29 septembre, un concert pour lequel il fallut tirer Bird de sa baignoire comme le raconte Alain Tercinet dans ses notes. Franck BERGEROT-JAZZ MAG/JAZZMAN