« Mingus revivifie les fondamentaux du jazz » par Jazz Mag-Jazzman

Durant toute sa vie de rebelle écorché vif, Mingus aura été à la recherche d’une identité impossible, toujours menacée, parce que brouillé par la malédiction de la bâtardise. Impossible donc de fixer l’image d’un seul Mingus. Dès que l’on croit l’attraper, elle se dédouble, se démultiplie, se trouble et nous échappe. Comment rassembler les pièces éparses et contradictoires d’un tel puzzle ? Par l’écoute de son œuvre. Pleine de bruit et de fureur, toute sa musique est le reflet éclaté, baroque, luxuriant  de cette quête désespérée d’unité. C’est une musique de colère et de tendresse, violemment engagée dans son temps et enracinée dans l’expressionnisme du blues et du gospel. Ce florilège Frémeaux est pour l’essentiel tirée de disques régulièrement disponibles sous leur pochette d’origine (« Oh Yeah », « Blues and Roots », « Ah Hum », « Mingus Dynasty », « Pre-Bird », etc.) et qui devraient figurer dans toute bonne discothèque. Concocté par Maître Alain Gerber et Docteur Alain Tercinet, il s’impose néanmoins pour le nouvel amateur comme l’introduction idéale au monde de Grand Charles. D’autant qu’on y trouve le fondateur et rare Mingus Fingers de 1947, les dix minutes de West Coast Ghost, extraites d’« East Coasting », mais aussi Scenes of the City, superbe pièce aux variations de tempo incessantes, qui se veut comme « a modern jazz symposium » et, enfin, Original Fables of Faubus dans sa version Candid et canonique (1960) avec Dolphy et Ted Curson. Avec l’instinct de l’artificier, « le gros Ming, épouvantail du petit Charlie juché sur ses épaules » (Gerber) dans toutes les plages de ce double CD fait voler en éclats toutes les conventions, revivifie les fondamentaux du jazz, réactive la transmission orale et ainsi permet l’invention de ce que Francis Marmande appelle « une esthétique de la catastrophe ». Pascal ANQUETIL - JAZZ MAG/JAZZMAN