« Une pièce incontournable pour les amateurs de chansons et de musiques » par ChantsSongs

Bécaud a tellement marqué la chanson française que l’on a oublié un peu qu’il a suivi une formation classique très jeune. Avec la sortie du coffret  Opéra d’Aran, on redécouvre une de ses œuvres un peu tombée dans l’oubli.
En 1962, Gilbert Bécaud a 35 ans et déjà quelques grands succès derrière lui, y compris à l’étranger. Ainsi, un an avant, les Everly Brothers ont fait un tube de la version américaine de Je t’appartiens, sous la titre de Let it be me. Cette année-là, il compose ce qui deviendra « son » tube, Et maintenant. « Monsieur 100 000 volts », comme on le surnomme déjà, travaille comme un fou, compose, fait moult rencontres. Et c’est au cinéma, pour ses premiers pas à l’écran en 1956, dans Le pays d’où je viens, de Marcel Carné, que Bécaud évoque pour la première fois l’idée de signer cet Opéra d’Aran. De l’idée au produit fini, il faudra quelques années que Bécaud mettra à profit pour  peaufiner cet opéra avec la fine équipe de librettistes formée par Jacques Emmanuel, Louis Amade et Pierre Delanoë. Ils mettront cinq ans pour mener à bien le travail d’écriture et de composition.
Début 62, l’équipe peut passer à l’étape suivante : celle de former l’équipe qui fera vivre cet opéra. Ancienne danseuse, chorégraphe et metteur en scène (notamment pour des opéras avec Maria Callas), Margarita Wallman est choisie pour la mise en scène et la direction de l’orchestre est dévolu à Georges Prêtre, autre collaborateur de La Callas. S’inscrivant dans la tradition de l’opéra belcantiste, cet Opéra d’Aran vaudra à Bécaud quelques critiques lors de sa création au Théâtre des Champs Elysées, le 25 octobre 1962. On ne pardonne pas à un chanteur populaire de faire une incursion dans une musique que l’on prétend « sérieuse ». Léo Ferré connaîtra de semblables critiques quand il se lancera dans la direction d’orchestre.
En deux actes et sept tableaux, L’Opéra d’Aran ne manque ni de panache, ni d’inventivité en racontant une histoire simple. Tout commence sur la petite île irlandaise d’Aran, quand un pêcheur, Mickey, ramène dans ses filets un jeune noyé, Angelo, qu’il réussit à ranimer. Rétabli, celui-ci séduit les plus jeunes des insulaires en contant qu’il est Prince d’un pays où tout est merveilleux. Il tente de faire la cour à Maureen dont le fiancé, Sean, passe pour avoir disparu en mer depuis plusieurs années. Mais Maureen se consacre entièrement à la mère de Sean, que la douleur a rendue aveugle… A la fois description de héros qui luttent dans un environnement hostile que portrait d’hommes confrontés à un destin qui va briser leur vie, L’Opéra d’Aran nous permet de retrouver aujourd’hui cette autre facette du talent de Bécaud. Avec des moments qui ne manquent pas de souffle ni d’originalité comme le duo d’ouverture de l’acte II entre Sean et Mara et cette partition aux allures de boîte à musique.
A signaler dans cette version CD,  quelques bonus pour les amateurs, notamment la présentation de l’œuvre à Bruno Coquatrix, le patron de l’Olympia, salle mythique dans laquelle Bécaud se produisit sans discontinuer tout au long de sa carrière. Une pièce incontournable pour les amateurs de chansons et de musiques.
François CARDINALI - CHANTSSONGS