Ce disque plaira à ceux qui trouvent que Barbara n'a jamais été aussi divine qu'En liberté sur Europe 1, émission de 1969 où elle reprenait, comme à ses débuts, des classiques du music-hall. La comédienne Émeline Bayart puise aux mêmes sources - Les amis de monsieur, Veuve de guerre, D'elle à lui, Elle vendait des p'tits gâteaux. Il y a même Le tango stupéfiant, beaucoup repris ces jours-ci. Miracle : Par son métier, sa gouaille et sa complicité avec Manuel Peskine, son pianiste, elle nous les fait entendre comme s'ils étaient neufs. Elle emprunte aussi à Cora Vaucaire, Yvette Guilbert ou Jacqueline Maillan des choses qui nous sont moins familières – notamment Ce concerto et Oh non ce n'est pas toi, merveilles signées Françoise Dorin, rare autrice dans ce répertoire où, en général, les hommes écrivent et les femmes chantent. C'était le patriarcat… mais curieusement on savait en rire : ces messieurs, dans les chansons, en prennent pour leur grade et les femmes ont le beau rôle. La jubilation d’Émeline Bayart à transmettre ces textes souvent légers mais rudement bien écrits est contagieuse. On rit. Parfois même, à la faveur d'un coup de théâtre, I'émotion jaillit : c’est le cas dans Oh non ce n'est pas toi, retrouvailles moqueuses avec un ex-amant flamboyant devenu mûr et bedonnant, lorsque l'amoureuse soudain magnanime, s'aperçoit qu'elle a vieilli aussi. Ça s'appelle la vie.
Nicolas Brulebois – Hexagone