« A ne manquer sous aucun prétexte ! » par Chorus

Révolutionnaire ! Sous son air mutin, cette petite bonne femme a bouleversé le monde de la chanson. En janvier 29, quand elle grave sa première face, « J’prends la vie en rigolant » (tout un programme), nul se doute encore du chambardement. Mireille Hartuch n’est qu’une débutante de vingt-trois ans, habituée des opérettes et autres revues à la mode. Sa voix est insignifiante. Sa personnalité mal définie. On ne sait pas qu’elle vient de faire la rencontre (professionnelle) de sa vie. Et pourtant, moins de deux mois plus tard, quand elle enregistre «Toute petit » pour Columbia sur un texte de l’avocat-homme de lettres Jean Nohain, la tempête s’annonce déjà. Haut perchée, cristalline, la voix de Mireille joue à saute-montons avec les notes, avec les mots. Elle se délecte sans retenue de cette excursion hors des sentiers battus. L’heure n’est plus à la grisaille du mélo. La fantaisie reprend ses droits. Musicienne, l’interprète devient compositrice. Après le succès inattendu de « Couchés dans le foin » popularisé par le tandem Pills et Tabet, on sollicite de plus en plus la chanteuse, qui, désormais, peut s’accompagner directement au piano par des séances d’enregistrement mémorables qui vont nous valoir entre 1932 et 1936 la flopée de chefs-d’œuvre que chacun connaît ainsi que quelques perles (« Et hop ! nous v’là partis ! », « Ma grand-mère était garde-barrière», « Les trois petits lutins », « La java des fleurs d’oranger… », ou « La dame du vestiaire »), qu’il est urgent de redécouvrir. S’amusant dans un climat plutôt jazz à enrubanner les allitérations, clins d’œil, fantasmagories d’un Jaboune iconoclaste (« Tant pis pour la rime ») dans une série d’historiettes conçues sur le principe de l’opérette, Mireille (accompagnée ici de Pills et Tabet, et de Jean Sablon) engage la chanson dans la modernité. A ne manquer sous aucun prétexte ! Serge DILLAZ - CHORUS