Bravo ! par Jazz Classique

« Après une superbe intégrale Django, Daniel Nevers et les éditions Frémeaux se lancent dans une nouvelle aventure, encore plus folle, et tout aussi nécessaire : Louis Armstrong. ... » Guy Chauvier - Jazz Classique

« Après une superbe intégrale Django, Daniel Nevers et les éditions Frémeaux se lancent dans une nouvelle aventure, encore plus folle, et tout aussi nécessaire : Louis Armstrong. Oui, nécessaire, parce que l’œuvre de Louis Armstrong devrait être constamment et intégralement disponible, que Masters Of Jazz a disparu après huit volumes, que Classics n’a pas tout réédité et qu’une bonne partie de ses références Armstrong est épuisée, qu’il est impossible de réunir la totalité de la discographie en jonglant avec les différents labels sans une quantité de doublons et un gaspillage de temps considérables… Nécessaire aussi parce que cette musique sublime aura toujours de nouveaux auditeurs. Mettons les choses au point, la collection Armstrong de Frémeaux rassemblera les enregistrements réalisés sous le nom d’Armstrong et ceux où il apparaît comme sideman, mais il ne s’agit pas vraiment d’une intégrale. Daniel Nevers s’explique : "Sans réellement parler d’intégrale, sans doute peut-on avancer le terme de "sélection très large"… Il nous faudra omettre quelques doubles « prises » peu différentes (notamment du côté de chez Henderson) ou des accompagnements de chanteuses pas toujours bonnes, plutôt mal enregistrées, dans lesquels l’accompagnateur reste d’une regrettable discrétion…" C’est la sagesse même ! De toute façon, les quelques fêlés qui souhaitent posséder tout Louis Armstrong trouveront toujours des éditions spécialement faites pour eux. Et puis, vous savez, une troisième prise, presque semblable aux deux précédentes, inaudible de surcroît, c’est encore meilleur quand on l’attend longtemps… Soyons sérieux (et précis), regardons de plus près le contenu de ces trois premiers CDs et repérons ce que le compilateur a écarté. Pour King Oliver, tout est là. Pour les chanteuses ou les formations de Clarence Williams, il manque la seconde prise de See See Rider avec Ma Rainey mais cette seconde prise, très mal enregistrée, ne présente que de légères nuances avec l’autre, dans la coda notamment. Pour les Henderson, en dehors des titres où la présence de Louis n’est que théorique (titres que n’avait pas retenus non plus l’édition Masters of Jazz), Daniel Nevers n’a pas gardé les secondes prises de Words, Copenhagen, Naughty Man, My Dream Man, trop semblables aux premières. Contrairement à ce qui s’est fait parfois, ces Henderson sont reproduits intégralement. C’est heureux. Isoler un solo n’a de sens que dans le cadre d’un travail précis. On n’apprécie pas pleinement un solo si on le sort de son contexte. Et puis, le contraste entre l’orchestre et Louis est tellement jouissif ! En revanche, quand Nevers publie les deuxième et troisième prises de How Come You Do me, comme elles sont précédées d’une prise entière, il entame huit mesures avant le solo de trompette. J’approuve tous ces choix, en dehors du fait que j’aurais sans doute été plus restrictif encore. Fallait-il vraiment inclure ici le Naughty Man du 7 novembre (le premier) et My Dream Man ? Ces deux morceaux ne contiennent aucun solo de Louis et l’on n’entend sa trompette que fugitivement dans les ensembles. Ce n’est pas intéressant mais cela concerne surtout les spécialistes (qui peuvent trouver ces enregistrements dans les éditions consacrées à Henderson). Côté technique, je n’ai rein à redire. Tout a été fait au mieux. Profitons de l’occasion pour avertir les néophytes : Ecouter le Creole Jazz Band n’est pas évident, surtout si l’on commence par les Gennett de 1923. Mais avec un peu d’entraînement, ça passe. Alors, quand on arrive à la séance Columbia, on finit presque par trouver que c’est bon. A côté, les Henderson, c’est de la vraie hi-fi ! Il y a un dernier point capital pour une production aussi ambitieuse, le livret. C’est une totale réussite. Certains musiciens ou aficionados regretterons peut-être l’approche d’Irakli, plus musicologique, plus centrée sur le héros et sa musique. Nevers, lui, avec un sens assuré du récit et une belle plume, raconte la fin de King Oliver, les orchestres avec lesquels Louis joua mais n’enregistra pas, prend prétexte du fait qu’Henderson fut un temps présenté comme le « Paul Witheman noir » pour s’attarder sur le chef d’orchestre blanc… Il n’est peut-être pas un chercheur aussi pointu qu’Irakli mais c’est un indiscutable érudit et sa présentation plaira autant au microcosme du jazz qu’au grand public. C’est bien là le but de l’entreprise : offrir Armstrong à tous. Bravo ! » Guy Chauvier - Jazz Classique