Ces instrumentistes hors pairs sont de vrais jazzmen et ça s'entend par Etudes Tsiganes

"Quelle bonne surprise que ce nouveau disque du trop discret Jacques Bolognési, accordéoniste (On se souvient de sa participation à Paris musette sur le même label au début des années 90 et des deux beaux disques du Bolovaris avec Francis Varis et Tiboum Gagnon) mais aussi tromboniste, arrangeur et sideman recherché. A ses côtés, Marc Fosset, guitariste qui fut associé aux lames de Marcel Azzola au sein du trio Azzola Caratini Fosset il y a une vingtaine d'années. A la contrebasse, selon les titres, Pierre-Yves Sorin ou Jean-Luc Ponthieux, tous excellents musiciens au curriculum vitae grand comme le bras ; on parle (trop) peu de ces modestes alors qu'ils volent bien plus haut que ceux régulièrement encensés dans le jazz français. A part une relecture sensible et poétique de " Little child ", beau thème de Wayne Shanklin (dont Eddie Constantine fit un tube " L'homme et l'enfant ", sur des paroles de René Rouzaud), que des compositions originales à l'inspiration variée : 4 de Bolognési (cf. le magnifique " BB valse " ou " Papa bolo ", buiguine très sensuelle et dansante où l'on verrait bien débouler Eddy Louiss), 2 de Ponthieux (" Magura Ilvei, ", " Petite Lulu ", avec un chorus très bluesy de Marc) qui tirent le trio vers une fusion groovy, 2 de Pierre-Yves Sorin et " Parclairs dance ", très jolie méditation signée Bolo-Fosset. Même si chacun des contrebassistes apporte une couleur différente, il s'agit à chaque fois d'un vrai trio, conjuguant maturité et décontraction, où chacun contribue de manière égale à l'équilibre de l'ensemble. Ces instrumentistes hors pairs sont de vrais jazzmen et ça s'entend : pas de plan ni de bavardage, pas de démonstration ni de virtuosité gratuite mais des chorus inspirés, un sens du dialogue, et des compositions très travaillées mais toujours lisibles. Accompagnateur redoutable, Marc Fosset fait chanter sa guitare ; son phrasé conjugue fluidité et élégance, ses interventions inspiration, finesse et swing; bref, un formidable guitariste, très sous-estimé à mon humble avis ; ce n'est pas sans raisons que Stéphane Grappelli fit appel à lui pendant plus de 10 ans. Quant à Bolognési, s'il a des doigts, il ne donne jamais dans l'esbroufe ou la facilité (cf. son chorus enlevé sur " Nene's tune ", boosté par une rythmique impeccable); c'est constamment musical. Une fusion réussie entre jazz américain et swing à la française (cf. la magnifique et acrobatique " Valse 2000 " de Bolognési). Une musique séduisante mais exigeante, raffinée mais lisible, qui devrait toucher bien au delà des jazz fan si les médias se donnaient la peine de faire leur boulot ; à la place de Popstar ou Drucker, une heure avec Bolognési et ses petits camarades de temps en temps, ça serait bien, non ? On peut rêver ! Il y a tout de même un petit défaut : la pochette est illisible ! Cette reproduction d'un tableau tendance surréaliste ne retiendra pas l'oeil du client lambda fouillant dans les bacs, qui passera de ce fait à côté d'un très beau disque !" Francis Couvreux - Etudes Tsiganes