« Cet album est vraiment une réussite » Par On Mag

« Le travail accompli pour réaliser cette anthologie sur les aspects du vaudou en Amérique témoigne d’une excellente connaissance du sujet, trop souvent négligé par les illustrateurs du blues, du rhythm n’ blues, du rock ou du jazz, voire du calypso (« Zombie Jamboree », « Spirit Rum »). Or s’il y a bien quelque chose qui fait partie intégrante de la culture afro-américaine, notamment de New Orleans, puis, après les années trente, de Chicago, puis de Harlem, c’est bien le vaudou, le voodoo, et sa pratique, le hoodoo, avec ses gris-gris, ses sacrifices de coqs égorgés, ses zombies, ses malédictions, ses danses, ses transes, ses os de chat noir, ses poudres aphrodisiaques, et ses grandes prêtresses comme Marie Laveau (1794-1881) évoquée par Papa Celestin. Qu’il soit pris au sérieux comme par Josephine Premice ou prétexte à rigolade genre « chérie fais-moi peur », quand ce n’est pas pour une « douce hérésie érotique », comme le suggère avec justesse Patrick Frémeaux,  par des bluesmen ou des jazzmen, Jelly Roll Morton, Memphis Minnie, Robert Johnson, Jay McShann, Louis Jordan, Muddy Waters, Howlin’ Wolf, Steramin’ Jay Hawkins, etc, le vaudou est un élément de culture qui a fédéré les Afro-Américains, car cela se passait dans leur monde à eux, pas dans celui des Blancs. Contre-culture créant un fantasme d’Afrique sublimée, rempart contre le rigorisme protestant qui sévissait ailleurs, le vaudou a permis aux musiciens en quête de racines d’en trouver. Et c’est ainsi qu’une ville comme New Orleans est si différente des autres villes des Etats-Unis (du moins avant Katrina). En réunissant sur un double album des artistes aussi variés que les pré-cités, ainsi que Sonny Boy Williamson, J.B. Lenoir, Billy Holiday, John Coltrane, Art Blakey, Ligtnin’ Hopkins ou Chuck Berry, tous sur le même sujet, c’est-à-dire ce vaudou symbole de l’afro-américanisme, le label Frémeaux fait œuvre extrêmement utile, car il montre combien une nation à qui l’on supprime ses racines en retrouve d’autres, combien la créolisation est un phénomène enrichissant et combien les sources de la musique d’aujourd’hui sont diverses. Le livret, bilingue, de Bruno Blum est une véritable mine de renseignements qui incitent à rechercher plus loin encore. Cet album est vraiment une réussite. »
Par Michel BEDIN – ON MAG