« Cet irréprochable, superbe et indispensable florilège… » par Lion

Né dans le New Jersey en 1929, décédé à New York en 1980, William John « Bill » Evans commença l’étude du piano à sept ans. En 1954, il débuta dans l’orchestre du clarinettiste Jerry Wald avec qui il enregistra ses premiers disques. En 1956, il entre dans l’orchestre de George Russell et crée son premier trio avec Teddy Kotick (b) et Paul Motian (dr). En 1958, il est appelé par Miles Davis avec qui il enregistre plusieurs disques dont le mythique « Kind of Blue ». Sur les deux Cd de ce coffret, Alain Gerber a sélectionné et présente, avec Alain Tercinet (livret de vingt-huit pages), vingt-six titres gravés entre 1956 et 1960. Sur douze plages, Bill Evans est entouré de formations diverses : Hal McKusick, Juliann Adderley, Miles Davis, Art Farmer, Chet Baker, mais c’est sur les quatorze titres en trio qu’il donne le meilleur de lui-même et que l’on peut au mieux apprécier son génie. Plusieurs musiciens se sont succédés au sein  du premier trio de 1956 (Sam Jones, Paul Chambers, Chuck Israels et Philly Joe Jones, entre autres), mais c’est avec Scott La Faro (b) et Paul Motian (1960) qu’il atteignit le sommet de la complicité et de l’innovation dans l’art du trio qui culmine grâce au talent et à la connivence artistique de ces trois musiciens exceptionnels. Chaque interprétation est une vraie conversation, une véritable création commune où l’apport de chacun est indispensable et indissociable de celui des autres. La Faro brode auprès du piano des variations mélodiques qui participent au phrasé de Bill Evans, le complètent et l’enrichissent. Motian, virtuose des balais, associe légèreté, finesse et efficacité, fournissant au trio la souplesse d’une rythmique à fleur de peau. Pour Bill Evans, les qualificatifs, malgré leur abondance, ne donneront jamais que l’ombre de la grandeur de son talent et aucune idée de l’intensité du bonheur offert par son écoute. Dans sa présentation, Alain Gerber qualifie sa manière d’aérienne, exquise, méditative et réfute « évanescente » que, pour ma part, je garderai sans nuance péjorative. J’y ajouterai élégance, raffinement, pureté et beauté cristalline. Dans cet irréprochable, superbe et indispensable florilège, on retrouve celui que Glenn Gould qualifiait de « Scriabine du jazz », tel qu’en lui-même, il restera à jamais : le meilleur de tous, immense poète du piano et généreux pourvoyeur de rêve.
Par Pierre SCHAVEY - LION