« Dans sa chaire de professeur » par Le Figaro

Thomas Bernhardt, dans sa comédie intitulée Emmanuel Kant, représentait le philosophe à la sédentarité légendaire s’embarquant pour le Nouveau Monde et proférant cette sentence décisive : « Le perroquet est le philosophe en soi ». Or Kant n’a pas eu à bouger de Königsberg pour rayonner sur le globe : l’Université française, de nombreux séminaires catholiques mais aussi les programmes de terminale sont imprégnés par le Kantisme. Un jour, le lycéen apprend avec stupeur qu’il ne joue jamais qu’avec une balle « phénoménale », tandis que la balle en soi, même quand il la tient dans ses mains, lui échappe. Ce qui nous laisse entendre que les perroquets ont de longs jours devant eux. C’est contre un tel psittacisme que Luc Ferry élève son dernier livre. Ses récents ouvrages de vulgarisation nous faisaient oublier qu’il est spécialiste et même cotraducteur à la Pléiade du grand penseur Allemand. Voilà de quoi nous rafraîchir la mémoire et retrouver l’ancien Ministre de l’éducation dans sa chaire de professeur, abandonnant les slogans simplistes, retournant aux problèmes d’interprétation. Il ne redoute même pas dans son introduction de se jeter la pierre en affirmant ce qui pourrait remettre en question son effort passé pour rejoindre le grand public : « On pourra chercher tant qu’on veut à tourner la difficulté, fréquenter les cafés de philosophie et les lieux initiatiques en tout genres, rien n’y fera : il est impossible d’entrer vraiment dans la philosophie si l’on ne prend pas le temps de comprendre en profondeur un philosophe ».
Fabrice HADJADJ – LE FIGARO