« Des sentiments d’amour » par Diapason

La totalité de ce que Billie Holiday a confié à la cire est connu. Si votre choix s’est fixé sur la sélection éclairée plutôt que sur l’intégrale, ce double volume vous comblera, même s’il faut y ajouter une condition sine qua non : y joindre le double CD Billie Holiday/Lester Young, chez le même éditeur, et également composé par Alain Gerber, qui a pris la peine « de limiter ici au minimum les fruits de d’un des mariages esthétiques les plus réussis de la musique afro américaine ». Billie Holiday a suscité plus qu’aucune autre vocaliste de jazz des sentiments d’amour. Ses consoeurs ont fait naître l’admiration, le respect, l’envie ; elle éveille en nous la fêlure, le souvenir de la souffrance et des réveils désenchantés. Ses tendances à l’autodestruction sont connues. Pourtant, elle ne nous parlait que d’amour. Elle faisait des vœux candides (I Wished On The Moon, qui ouvre le premier disque), nous disait qu’elle s’en sortirait (I’ll Get By), avant de s’abandonner à l’amère résignation (Don’t Explain, des années Decca, qui clôt le deuxième CD). Nous n’avons pas éprouvé le quart de la moitié du commencement de ce qu’elle a enduré. Néanmoins, en choisissant de l’écouter, nous avons l’impression que c’est elle qui nous a pris pour complice et confident. Peut-être est-ce pour cela que nous n’arrivons pas à nous remettre de n’avoir jamais pu la consoler.
Paul BENKIMOUN - DIAPASON