« François Chassagnite à son meilleur niveau » par Jazz Hot

« Réédition bien venue dédiée à la mémoire de François Chassagnite et de Patrick Tandin, fondateur du label La Lichère (premier à faire paraître un disque sous le nom de François Chassagnite). François Chassagnite avait dédié ce disque « à la mémoire de King Oliver, Louis Armstrong, Fats Navarro, Clifford Brown, Kenny Dorham, Booker Little, Lee Morgan et plus particulièrement à Chet Baker ; aussi bien sûr à Dizzy Gillespie, Freddy Hubbard et Miles Davis à qui je dois beaucoup ». On sait que, né en 1955, François Chassagnite a joué du King Oliver au sein des Tiny Swingers avant de se faire remarquer par Jean-Loup Longnon en 1979. C’est dans un autre big band, celui de Dino Cagnasso, que nous l’avons remarqué, à Angers le 12 juin 1981 aux côtés de pointures comme Guillermo Fellové, Guy Bodet (tp) et Jean-Louis Damant (tb). J’étais alors sceptique d’un point de vue technique et m’en suis confié à Roger Guérin, notre professeur commun, qui n’a pas désavoué. François Chassagnite n’avait pas un bon « embouchement » ce qui lui a imposé des limites dans le registre aigu et une fragilité qui au bout du compte fit sa personnalité. Il préférait Bix à Louis parce que moins dominateur, et à travers tout ça on comprend son identification à Chet Baker et au Miles Davis pré-électrique. Chet Baker l’a entendu puisque dans un Jazz Hot de novembre 1983, il le signale déjà comme un des bons trompettistes de la « jeune génération ». Dans ce sillage des trompettistes non-démonstratifs il a cherché sa musique et il fut l’un des plus qualifiés pour tenir le flambeau laissé par Miles-Chet au Festival Bis de Marciac. Cette réédition le montre à son meilleur niveau et elle débute par un vigoureux « A One Eye Transvestite » qui commence par un motif rythmique (« la trompette est l’instrument où l’alchimie du chant et de la percussion doit se réaliser », Jazz Hot 449, 1988). Arnaud Mattei est dans le sillage McCoy Tyner, et François Chassagnite dans celui post-bop d’un Woody Shaw (il n’a jamais eu les aigus d’un Clifford Brown ou Freddie Hubbard). Sa façon d’emboucher et de respirer expliquent sa sonorité dans « Samya Cynthia », une fragilité qui fait son charme. Oliver Johnson amène « Spirale », thème anguleux où le trompettiste laisse aussi Jean Bardy s’exprimer en solo. Mais c’est François Chassagnite qui fait tout l’intérêt de ce disque (« Double Blues »). Le traitement donné au standard « What Is This Thing Called Love », en trio sans piano, illustre ce qu’aurait donné Don Cherry avec un peu plus de technique (beau travail de Bardy et Johnson). C’est notre titre préféré avec « César le Chien » pour le climat proche de ceux de Miles Davis voir de Wallace Roney et « You’re My Everything » pour le phrasé davisien avec la sourdine harmon. »
Par Michel LAPLACE – JAZZ HOT