« Il faut se plonger, corps et âme dans ces enregistrements. » par Le Souffle Bleu

« Se souvient-on que la culture française s’est alimentée de bien des façons des cultures créoles ? La langue comme le soulignait Aimé Césaire mais, pour le Paris des années 1920-30, la musique avec, notamment, le clarinettiste martiniquais Alexandre Stellio (1885-1939), créateur de la Biguine. S’appeler pour l’état civil Alexandre Fructueux ne pouvait qu’être le prémisse d’une vie orientée vers le don de soi en construisant une musique du bonheur et de la transe.
Le coffret de 4 CD publié par Frémeaux et associés permet de retrouver les filiations des musiques actuelles. L’influence des cultures antillaises a longtemps été sous-estimée dans les affluents du jazz, notamment en France. Pourtant, longtemps « La Cigale » a été le temple de ces musiques. Elle a permis de faire naître un genre particulier qui inondera les années 50 et les débuts de la décennie d’après, les orchestres typiques comme les chanteurs qui utilisent cette veine, comme Dario Moreno par exemple. Aux États-Unis, après la deuxième guerre mondiale, le be-bop fusionnera avec les rythmes afro-cubains. Stellio est une des grandes voix de la musique antillaise. Quelque chose de son art se retrouve chez Alain Jean-Marie, pianiste étonnant qui ne renie aucune de ses origines, la biguine comme le be-bop. Stellio a un autre effet. Il fait, encore aujourd’hui, bouger les corps. Danser au son de cette musique éternelle est un des moyens d’écouter le murmure du temps. Il faut se plonger, corps et âme dans ces enregistrements. Pour faire œuvre de patrimoine, il fallait aussi remettre Stellio dans son époque et rendre compte de sa présence, de son importance. Des témoignages sont donc inclus pour faire revivre le clarinettiste. »
Par Nicolas BENIES – LE SOUFFLE BLEU