L’essentiel, l’authentique swing, a toujours été préservé par Jazz Magazine

Comme le titre de la collection le laisse entendre, cette nouvelle compilation de la collection Quintessence tente de réunir les pièces libres de droits les plus incontestables du Modern Jazz Quartet. Une autre ambition étant sans doute de susciter l’envie folle de prolonger ces écoutes par d’autres non retenues. C’est en tout cas l’effet que ces vingt-quatre plages produiront sur tout auditeur passionné, car plus on s’éloigne de 1952, plus le plaisir que trouvent les musiciens à jouer ensemble devient prenant. Et pourtant, les années 1950 sont bien celles du hard bop le plus exubérant. Comment, dès lors, expliquer le succès du MJQ ? Selon Alain Gerber, dont la thèse est exposée dans le livret, il repose sur la cœxistence du feu – Milt Jackson – et de la glace, ou plutôt du faussement glacial John Lewis. Ce qui est certain, c’est que le groupe, ne serait-ce que par sa prestance scénique, rendait le jazz « admissible » par la société blanche bien pensante. Le MJQ ne poursuivait-il pas à sa manière l’aspiration des boopers d’être considérés avant tout comme des artistes et non comme de simples amuseurs ? En réponse aux nombreuses critiques qui s’élevèrent à l’époque, ce coffret nous rappelle que l’essentiel, l’authentique swing, a toujours été préservé. Et il est vrai que l’équilibre parfait entre l’élégance tempérée de Lewis (cf. son merveilleux solo sur Ralph’s News Blues) et les écarts de conduite de Jackson (telles ses fulgurances sur Milano) y sont pour beaucoup. Mais il y a aussi cette manière d’interroger les dynamiques, ou de prendre le temps de monter en épingle la petite dramaturgie de chaque pièce, Pyramid en étant peut-être l’archétype le plus saisissant. A la lumière des commentaires historiques d’Alain Tercinet, l’articulation de ces morceaux témoigne une nouvelle fois de la grande compétence qui préside à la poursuite de la collection Quintessence.
Par Ludovic FLORIN – JAZZ MAGAZINE