L'héritier d'une lignée de bioacousticiens par QdN (Presse scientifique canadienne)

J'habitais le sud de la France et, en Méditérrannée, personne n'avait jamais enregistré les oiseaux d'Afrique du nord, d'Espagne ou de Grèce." Jean-Claude reprend le flambeau d'une discipline qui est tombée en désuétude : "Je suis la troisième génération de bio-acousticiens. Ludwig Koch a commencé à enregistrer les oiseaux en 1898 et a sorti un coffret de disques en 1931, l'année de ma naissance. Puis dans les années 60, la Cornell University, dans l'état de New-York, excellait dans ce domaine. Mais quand je suis allé les voir pour la première fois, en 1970, il ne savaient même plus enregistrer. Les deux pionniers étaient morts et il n'y avait pas eu de relève." Après avoir écumé la Provence, l'Espagne, l'Italie et la Grèce, Roché traverse la Méditerrannée puis pousse jusqu'au Sahara. L'Afrique conquise, l'Amérique suivra. "Pour explorer un pays, je suis guidé par deux fils conducteurs. D'une part les milieux: plus on a de milieux, plus on a d'espèces, donc de chants différents. Mais il existe en outre des espèces que je ne voulais pas manquer et pour les quelles j'ai spécialement fait le voyage, comme ce fut le cas pour le trglodyte d'Amérique du sud". Roché a sans cesse cherché à aller vers les sons les plus étranges et à "capter la musique du monde telle qu'elle est sans l'intervention de l'homme." Au cours de ses escapades, il a ramené le chant de 1000 espèces différentes. "C'est peu à côté des 10000 espèces d'oiseaux répertoriées" dit-il modestement pour tempérer l'enthousiasme de l'interlocuteur ébahi. C'est malgré tout suffisant pour lui permettre, en 1985, de créer Sitelle (catalogue cédé à Frémeaux et Associés en 2007), la société qui édite ses enregistrements ainsi que ceux d'autres auteurs. Au total, un catalogue d'une centaine de disques [...] Roché n'est pas un oisif, il a juste levé le pied. Un repos mérité pour celui dont l'oeuvre est considérée par Allain bougrain-Doubourg, journaliste et président de la ligue de protection des oiseaux, comme "une contribution aux connaisances du siècle. D'autant, ajoute-t-il, qu'il a le double mérite de concilier rigueur scientifique et volonté de vulgarisation"[...]. -Dans la jungle équatoriale, il règne une cacophonie incroyable. Comment faites-vous pour repérer le chant de l'oiseau convoité?- Quelquefois, l'oiseau chante seul du haut d'un arbre ou sur un toit, la source sonore est ainsi isolée et facile à localiser. Dans la bocage, et encore plus en fôret tropicale, il arrive souvent que plusieurs chantent en même temps et au même endroit. Dans ce cas, on peut isoler le chant que l'on veut enregistrer dans la mesure où la parabole est très directionnelle et amplifie le son uniquement dans la direction de son axe. Ellle fonctionne commme un petit téléobjectif. Au début, il y a quarante ans, l'équipement était très lourd et il fallait mettre le micro près de l'endroit où l'on pensait que l'oiseau allait chanter. On ne pouvait pas se promener avec nos 80 kilos de matériel sur le dos. A tel point quà la fin, j'étais très fort : enarrivant sur le terrain, je savais exactement à quel endroit la grive alait s'installer pour chanter; Désormais, on a des paraboles stéréo qui font des prises de sons en qualité numérique et un petit appareil de 800 grammes qui tient dans la poche. On a également le choix entre des micros directionnels, pour séparer les espèces et des micros omnidirectionnels pour enregistrer l'ambiance sonore du milieu. Depuis mes débuts, l'évolution du matériel a été extraordinaire, même s'il n'a pas toujours été facile de s'y adapter. David REGAZZONI-QDN