« L’introduction idéale au monde enchanté de Sassy » par Jazzmag Jazzman

Sassy dans le rétro, Vaughan dans le miroir des ses éblouissantes années 1950 qui , grâce au long travelling que nous offre ce florilège de ses enregistrements Columbia, Mercury, Emarcy et Roulette,la révèlent au sommet de son art. Tout au long de ces plages rassemblées avec pertinence par Alain Gerber et commentées avec une précision savante par Alain Tercinet, la Divine, sans le maniérisme ni le « castafiorisme » dont elle abusera quelque peu plus tard, rayonne ici de toute sa féminité féline et donne le meilleur de son swing sensuel. La joie faite voix. Une voix comme la sienne, il n’en surgit qu’une fois par siècle : dorée dans le grave, aérienne dans l’aigu, moelleuse dans le medium. Sa virtuosité naturelle n’a d’égale que sa souplesse harmonique. Dans les ballades comme dans les chansons au rythme échevelé, elle n’a pas sa pareille pour mettre en valeur la chaleur de son registre naturel de contralto. Le voyage dans sa somptueuse décade commence par un All Stars dirigé en 1950 par son mari George Tredwell, avec au piano celui qui sera dans les fifties son plus fidèle accompagnateur, l’excellent Jimmy jones. En son sein, on y découvre le jeune Miles qui délivre sur « It Might as Well Be Spring » un merveilleux contrechant dont il se souviendra avec émotion dans son autobiographie. Suivent les immarcescibles séances avec Clifford Brown et Paul Quinichette (1954) ; les joyaux du trio « Swingin’ Easy » avec John Malachi ou Jimmy Jones au piano et Roy Haynes à la batterie (1954 et 1957) et en prime, bien sûr, ce chef d’œuvre absolu du scat qu’est « Shulie A Bop » ; la complicité musicienne partagée avec Cannonball Adderley dans l’album « In the Land of Hi-Fi » (1955, notamment « It Shouldn’t happen To A Dream » ; ses savoureux faux départs de « Thank For the Memory » dus à sa difficulté d’articuler le mot  « Parthenon » qu’elle retourne avec espièglerie dans tous les sens (1958) ; sa première version de « Misty » enregistrée à Paris au studio Hoche par Barclay avec un superbe Zoot Sims et un orchestre de cordes dirigé par Quincy Jones ; enfin ses deux explosives sessions avec le Count Bassie Orchestra (1958 et 1960). On l’aura compris, ce double album constitue l’introduction idéale au monde enchanté de Sassy, impératrice du jazz vocal.
Par Pascal ANQUETIL – JAZZMAG JAZZMAN