« La complicité harmonique et la finesse mélodique » par Jazz Magazine - Jazzman

C’est le décès du trompettiste François Chassagnite disparu dans la nuit du 9 au 10 avril dernier qui a incité Patrick Frémeaux à rééditer le premier disque du trompettiste assorti de l’hommage que Franck Bergerot venait de lui rendre à chaud sur le site jazzmagazine.com. Que de souvenirs soudain réveillés ! D’abord la fastueuse soirée organisée au Bataclan par Patrick Tandin pour fêter follement la sortie de l’album sur son label naissant La Lichère. Ensuite la joie de Chass d’avoir trouvé trois partenaires selon son cœur avec, comme lui, deux orfèvres en émotion et feeling – Arnaud Mattei et Jean Bardy pour la complicité harmonique et la finesse mélodique – et le regretté Olivier Johnson comme garant « historique » de la pulsation organique afro-américaine. Chass n’a jamais transigé sur la question du tempo. « La trompette, disait-il, est l’instrument où l’alchimie du chant et de la percussion doit se réaliser. » Moins prolixe et bavarde que le saxophone, elle exige énormément. En matière de technique, bien entendu, mais surtout de sincérité, elle ne permet pas de tricher. Chass n’a jamais triché. Ce disque en est la preuve. Cela commence par une intro de kess-kess, hochet d’origine africaine sur lequel François aimait explorer les secrets de la polyrythmie. Et la musique démarre, lumineuse, avec One Eye Transvestite dont l’allant n’a jamais cessé de chanter dans ma mémoire. « Relax jazz waltz », comme indiqué sur la partition, Samya Cynthia restera l’une de ses plus belles compositions. Tout au long du disque, la trompette de Chass, chante avec naturel et clarté. Précisément ciselée, la phrase s’articule, légèrement à côté du temps, là où se cache et se débusque l’émotion. Cet album qui n’a pas pris une ride en plus de vingt ans, me remémore la phrase d’Oscar Wilde : « La musique nous crée un passé que nous ignorions et éveille en nous des chagrins qui avaient été dissimulés à nos larmes. » De ce passé, nous aimerions également voir resurgir son dernier beau disque « A Voice & 3 guitars » où Chass chante en anglais ou en français sur des paroles de sa plume. Pascal ANQUETIL-JAZZ MAGAZINE/JAZZMAN