Le novice et le spécialiste y trouveront leur compte par Les Inrockuptibles

« Sur nos rivages, la musique country n’a pas bonne presse. D’ailleurs, comment pourrait-elle l’avoir, elle qui évoque immanquablement les raclures de bidet de Garth Brooks, ce Phil Collins chapeauté ... » Emmanuel Tellier – Les Inrockuptibles

« Sur nos rivages, la musique country n’a pas bonne presse. D’ailleurs, comment pourrait-elle l’avoir, elle qui évoque immanquablement les raclures de bidet de Garth Brooks, ce Phil Collins chapeauté ? Pourtant, il suffit d’avoir tracé la route en écoutant un de ces cow-boys sans cheval pour saisir le charme désuet de la musique country. Avec Roy Rogers dans l’autoradio, toutes les villes ressemblent à OK Corral, tous les pompistes à Lucky Luke. Oublions donc le temps présent, le bandit Brooks et ses millions d’albums vendus à de crédules brebis. Oublions Austin et ses usines à tubes, ses chaînes de télévision câblées et remontons dans le temps avec l’Anthologie de la musique country 1927-1942, superbe coffret compilatoire grassement documenté. Sur ces deux disques sans fausse note, c’est un son de vieux parlophone usé qui nous accueille à bras ouverts. Un son nasillard, le souffle long, loin des rééditions digitales remastérisées. Rien à faire : la musique country d’avant-guerre craque de tous les côtés, elle sent le bois à plein nez. Et ça nous fait des vacances. Avant la guerre, la country est encore la musique des ploucs, la "hillbilly music". Elle vient de loin, fille bâtarde de tous les émigrés. Elle est allemande par sa polka et son chant tyrolien – sur le disque 2, le Rockin’ blues de Jimmy Davis atteint des sommets –, irlandaise par ses mélodies, mexicaine par ses rythmes, africaine par son banjo, italienne par ses mandolines. A l’époque, on ne parle pas encore de fusion, et pourtant il faudrait. Si ce grand ragoût musical mijote longuement dans les Appalaches, où une colonie de bûcherons britanniques tue l’ennui en pleurant quelques vieilles ballades celtiques, c’est dans les plaines du Sud (Géorgie, Caroline et Virginie) qu’il arrive à maturité, les Noirs y mêlant leur blues épicé. Le reste fait partie de l’Histoire, consignée dans cette formidable anthologie. De Jimmie Rodgers, première star du genre, aux héros du Ryman Auditorium de Nashville, des formidables Texas Playboys à Ernest Tubb & The Troubadours, pionniers du honky-tonk, les héros de cette aventure musicale figurent au générique. Le novice et le spécialiste y trouveront leur compte. » Emmanuel Tellier – Les Inrockuptibles