On ne change pas une équipe de gagnants par Djangostation

Après le succès unanime tant critique que public du premier volume Django à la Créole, il était évident qu’un second opus se devait de voir le jour. C’est aujourd’hui chose faite avec la parution de Finesse, toujours chez Frémeaux en partenariat avec le Jazzetal de Dave Kelbie. On ne change pas une équipe de gagnants, et le clarinettiste new-orléanais d’adoption Evan Christopher a tout naturellement pour l’occasion réuni à nouveau ses guitaristes David Blenkhorn (solo) et Dave Kelbie (rythmique) et son bassiste Sébastien Girardot en studio, ce qui n’a pas du être forcément facile quand on sait qu’il y a dans l’équipe un américain, un anglais et deux australiens dont l’un vit en France... ! Si le répertoire de Finesse fait moins la part belle à Django Reinhardt qu’il ne le faisait précédemment, l’esprit de sa musique reste toutefois toujours bien présent, notamment grâce aux deux guitaristes. On retrouve au programme un titre du génial manouche, Féérie : son rythme très soutenu permet aux deux solistes d’exposer tout leur savoir-faire technique et Blenkhorn à la guitare électrique (qu’il utilise généreusement sur tout le disque) sonne comme le Django d’après-guerre. Le titre Django à la créole est quant à lui ouvertement inspiré de l’Improvisation #3 de Reinhardt : la relecture et l’arrangement du thème, tout en nuances et en douceur sont particulièrement réussis. Pas d’esbroufe, mais en revanche quelle jolie musique ! Très lyrique, le solo de Blenkhorn combinant notes et accords fait encore mouche. Le blues de Rex Stewart Solid old man rappelle lui aussi le Django des années 50, et sa décontraction n’est pas sans évoquer l’ultime et session éthérée Barclay, tandis que Songe d’automne pris ici en samba rappelle immanquablement la version jazz qu’en feront le manouche et Hubert Rostaing en 1947. Une autre présence se fait également sentir ici : Sidney Bechet. Si le célèbre clarinettiste et Django n’ont jamais enregistré ensemble, les très érudites "liner notes" de Philippe Baudoin nous rappellent que les deux hommes se sont vraisemblablement rencontrés entre 49 et 53, et que Bechet enregistra Nuages 12 jours après la mort du guitariste. Au répertoire, on retrouvera de Bechet le très dansant Tropical Mood bien chaloupé à l’antillaise, et Passaporte ao paraiso encore une fois bien chaloupé, mais à la brésilienne cette fois-ci. Duke Ellington et son orchestre sont aussi à l’honneur, on ne s’en étonnera pas, avec Finesse, morceau de son bassiste Billy Taylor. On retrouve d’ailleurs ce titre au répertoire la légendaire session d’avril 39 de Django et des ellingtonien Barney Bigard (cl), Rex Stewart (cornet) et Billy Taylor (cb). La boucle est bouclée... Evan Christopher en conserve la délicatesse même quand le tempo double. Également au programme le fameux mood indigo co-écrit par Barney Bigard et Irving Mils : l’arrangement est un éloge à la lenteur, et Evan Christopher arrache à son instrument des sons déchirants à donner le vertige... Enfin, on sortira également du lot Créole Eyes, remarquable composition en forme de danse et signée du pianiste néo-orléanais Louis Moreau Gottschalk mêlant influence cubaine, orléanaise et sud-américaine. Cette version n’est pas sans rappeler les excursions exotiques de Fapy Lafertin à la guitare portugaise sur l’album Fleur de lavande.
Finalement, Evan Christopher et ses acolytes confirment avec Finesse tout le bien que l’on pensait d’eux. Son Django à la Creole continue à explorer avec intelligence les passerelles entre la musique des caraïbes et le gipsy swing de Django. Pour notre plus grand bonheur... Après Samois l’année dernière, à quand un grand concert parisien au New Morning ?
par STOCHE - DJANGOSTATION