« Remuer les esprits en plus des bassins » par L'Alsace

« Au tout début des années 60, la jeunesse de France se trémousse au rythme du twist. Un coffret de 3 CD ravive la flamme de Johnny aux Chaussettes Noires en passant par les Pirates, Champions, Vautours, Marcel Amont et Catherine Valente. Mazette ! À tout seigneur, tout honneur : il revient à Johnny Hallyday d’ouvrir le bal de cette anthologie dédiée au twist « made in France ». Avec un savoureux CD bonus québécois histoire de souligner l’universalité du phénomène. Une mode éclair, aussi rapide qu’un courant d’air claquant la porte puisque le twist compilé par François Jouffa se limite à deux années : 1961 et 1962. Suffisant pour remuer les esprits en plus des bassins, et alimenter la nostalgie de toute une époque où la jeunesse se berçait d’illusions et d’insouciance en flirtant sur une musique effrayant leurs aînés. Il n’y avait sans doute pas de quoi fouetter un chat (même sauvage), oui, mais… De prime abord, les chansons des vedettes du twist n’ont d’autre message que celui d’inviter les « copains » (et les copines) à venir danser et faire la fête. Si cette nouvelle génération prépare le terrain aux futurs soixante-huitards, pour l’heure, la révolte ne s’exprime à travers les juke-boxes, pas autrement que par le mot d’ordre des Chats sauvages : Laissez-nous twister ! Certes, l’adaptation française du titre de Sam Cooke a tout d’une prémonition politique : « Vous avez connu le bon temps/Pour nous qui avons vingt ans/Le bon temps c’est maintenant ». Comme quoi certains communicants du futur n’inventeront rien. Mais en ce début d’années 60, le twist bouscule aussi les bonnes moeurs. Le danser se résume à une leçon des plus simples : « Faire comme si on s’essuyait les fesses avec une serviette de bain tout en écrasant une cigarette avec le pied ». Plus facile que l’acrobatique rock’n’roll donc, même si l’on retrouve musicalement un rythme blues accéléré très similaire. C’est plus dans le double sens de certains textes que beaucoup entendront le « diable ». Du genre : « Les jambes écartées/Vous commencez à balancer/Oh, vous êtes très doués » dixit les Chats Sauvages. Ou encore Johnny : « Donne-moi la main, là/Tu t’y prends bien/Continue comme ça/ Un tour autour de moi »… Les âmes prudes s’émeuvent tandis que s’agite la jeunesse de France. Bref. Au-delà de toute interprétation polémique, ce recueil résume parfaitement le twist qu’adoptent Dalida, Cloclo, Richard Anthony, Petula Clark et même Gainsbourg et Maurice Chevalier. Car au bout du compte, il n’y avait aucun mal à twister. »
Par Thierry BOILLOT – L’ALSACE