« Son plaisir est le nôtre » par L’Express

Et s’il fallait réitérer l’importance des musiciens de génie qui, comme Hodges, ont servi d’inspiration et de voix aux plus beaux tableaux du Duke, on n’aurait qu’à se ressourcer dans ce Plaisir d’Ellington – The Duke and his men (Frémeaux & Associés FA 170 / Distribution  SRI), le plus récent coffre à trésors à nous arriver de la maison Frémeaux, maître es rééditions. Ce n’est pas qu’on soit tombé sur la caverne d’Ali Baba, puisque l’essentiel de ces 36 titres cueillis au fil des années 1935-46 se retrouvent dans le coffret The Blanton-Webster Band et les innombrables volumes de la série Classics. Mais la principale vertu de Plaisir d’Ellington est de recomposer par touches bien choisies le portrait musical d’une formation à son zénith. Disposant d’une extraordinaire palette de timbres et de sensibilité – l’alto de Johnny Hodges, la clarinette de Jimmy Hamilton, le ténor de Ben Webster, la contrebasse de Jimmy Blanton, pour ne nommer que ceux-là -, Duke et son alter ego Bill Strayhorn pouvaient jouer aux alchimistes, en conciliant les exigences du swing (rappelons qu’à l’époque, l’orchestre jouait encore pour le plaisir des danseurs) à une écriture au raffinement presque impressionniste (Sepia Panorama, Magenta Haze). Bien que les années qui suivirent donneraient à leur part de réussites, l’ensemble n’atteindrait plus ce degré de cohésion, cet état de grâce qui émane de chacun de ces tableaux. Si l’on ajoute à ça le livret érudit et passionné d’Alain Paillet, on se retrouve avec la plus intelligente introduction imaginable aux plaisirs d’Ellington – qui, contrairement à ceux de l’amour, durent toute la vie.
L’EXPRESS