« Son sens de l’arrangement fait déjà merveille » Travellingue

« Grand compositeur du XXe siècle, Michel Legrand a posé sa griffe sur bien des univers musicaux. Au cinéma, si sa complicité avec Jacques Demy a produit quelques bijoux, il y a bien d’autres perles cinématographiques. En 10 CD, le très beau coffret Le Monde instrumental de Michel Legrand en apporte la preuve. L’univers de Michel Legrand, récemment décédé à l’âge de 86 ans, donne le vertige, tant l’artiste a composé sur tous les terrains. Dans ses Mémoires, J’ai le regret de vous dire oui (Ed. Fayard), comme le rappelle le livret très complet du coffret, il écrivait : « Depuis mon enfance, mon ambition est de vivre complètement dans la musique. Mon rêve est que rien ne m’échappe. C’est la raison pour laquelle je ne me suis jamais arrêté à une seule discipline musicale. J’aime jouer, diriger, chanter, écrire, et ce dans tous les styles. Cette diversité me préserve de l’uniformité. » (...)
C’est d’abord vers le jazz que la passion du jeune artiste le pousse et on le trouve collaborant avec Dizzy Gillespie, Miles Davis ou Bill Evans. Il est aussi un amoureux de la musique populaire américaine comme en témoigne ici les deux albums, The Columbia Album of Cole Porter, où son sens de l’arrangement fait déjà merveille. On le retrouvera aussi très tôt au côté des futurs grands de la chanson française, que ce soit Boris Vian, Henri Salvador, ou Jacques Brel. Plus tard, il y aura encore le compagnonnage avec Claude Nougaro dont le coffret porte trace avec des classiques comme Les Don Juan ou le fameux Le Cinéma. Et puis, bien sûr, il y a le 7ème Art. (…)
Ce coffret passionnant permet aussi de remonter dans le temps et de découvrir la manière dont Michel Legrand fut capable de se jouer de tous les styles musicaux. Avec Francis Lemarque, pour Le cave se rebiffe, il signe la réjouissante Samba du dabe. Et L’Air indien de la BO du Terrain vague est étonnant. Pour Le Gentleman d’Epson, il s’amuse à une mélodie balkanique, Tzigane. L’homme est un partageux et il sait aussi jouer les musiques des autres : que ce soit La Chanson d’Orphée du film Orfeu negro ou encore sa version de La Complainte de la butte, signée Georges Van Paris et Jean Renoir pour French Can-Can. Enfin, on peut retrouver des bandes un peu oubliées, tel ce concert à l’Alhambra de 1956, mais qui prouve que, malgré son caractère entier, Michel Legrand avait le sens de l’humour : on peut y découvrir des titres comme Trombones à tout faire… « En dehors de la mort, il n’y a rien de sérieux » aimait dire Michel Legrand. En réécoutant toutes ces musiques, on mesure à quel point il a œuvré l’air de rien avec le plus grand sérieux. »
Par François CARDINALI – TRAVELLINGUE