« Tout le talent du jazzman Al Lirvat » par Le Journal du Dimanche

Il était une fois, à Paris, au cœur de Pigalle, une brasserie pittoresque où, pour le prix d’une bière pression, on pouvait déguster, sans modération, jusqu’au bout de la nuit, un jazz explosif sous l’impulsion du tromboniste guadeloupéen Al Lirvat entourés de musiciens également domiens. Cette brasserie où se côtoyaient, dans une ambiance détendue et joyeuse, soldats américains, prostitués et jazzophiles se nommait « La Cigale ». Pendant vingt ans, de 1955 à 1975, cette boite, aux parfums de Harlem, fut un haut lieu du jazz de la capitale. Al Lirvat s’est éteint, voici un an, à l’âge de 91 ans, après avoir enregistré un centaine de disques, soixante-dix-huit-tours et microsillons, des trésors aujourd’hui introuvables. Raison de plus pour acquérir l’album qu’il a gravé à Paris, en 1955, à la tête de son orchestre de La Cigale où figurent, exceptionnellement, le fougueux saxophoniste américain Benny Waters à la fois disciple de Bechet, de Hawkins. Une réédition que l’on doit aux Editions Frémeaux soucieuses de la sauvegarde de la belle mémoire musicale. C’est toute l’ambivalence de la jam session permanente à la Hampton que l’on retrouve dans ce CD à travers une douzaine de thèmes, pour la plupart des standards, de « Route 66 » à « When the Saints » où la sonorité puissante, chaleureuse et cuivrée du tromboniste leader fait merveille ! Si le présent album révèle tout le talent du jazzman Al Lirvat, il ne faudrait pas oublier l’impulsion déterminante qu’il a donné à la musique antillaise, favorisant l’essor du jazz caribéen dont Michel Sarbady, André Condouant, Alain Jean-Marie, Mario Canonge et quelques autres demeurent aujourd’hui les plus illustres représentants . LE JOURNAL DU DIMANCHE