« Un lever de rideau captivant » par Médiapart

« C'est un coffret d'émotions, qui reflète un paysage d'entre deux mondes. Claude Nougaro commence une carrière à la fois remarquable et périlleuse par l'écriture de chansons pour des femmes et des hommes que l'on nomme en ce temps-là des artistes interprètes. Lucienne Delyle ou Lucette Raillat nous rappellent que "le réel, suivant le mot de Lacan, c'est quand on se cogne"; une inspiration populaire, audacieuse comme à regret, se trouve incarnée par Marcel Amont- dont il faut témoigner ici de la vraie modestie, de la gentillesse aussi; la figure de Philippe Clay, grande gigue à peine sortie de French Cancan, nous laisse entrevoir un désordre passionnant que les engagements réactionnaires ultérieurs, hélas, ont étouffé; de jeunes premières apparaissent: Jocelyne Jocya, Pierette Bruno, chantent La Folle Chanson, Dent de lait, titres éloquents; la présence de Doris Manier, de Florence Passy donnent l'impression de lire un récit de Modiano. Comme si cela ne suffisait pas au bonheur, il nous arrive une farandole d'orchestrateurs. Earl Cadillac- Alain Badiou peut-il nous dire de qui ce pseudonyme est le nom?- Pierre Selin,Jo Moutet, le fameux Jimmy Walter de Boris Vian, Raymond Legrand- surtout pour accompagner Colette Renard, comme c'est bizarre- enfin son fils Michel, dont le talent se distingue à la façon d'un diamant. Déjà Claude Nougaro se soucie du son, du swing et de l'image. Il se saisit du tempo de la jeunesse et tresse le roman de sa propre vie. Que lui importent les modes et les malentendus: le voici qui se lance. Un lever de rideau captivant. »
Par Frédérick CASADESUS – MÉDIAPART